Un été pourri.


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 Dans l’excellente (check-list) du Monde, sur internet, il est fait référence, aujourd’hui, à ce que « disait Kinky Friedman dans l’un de ses premiers bouquins : « le mauvais temps, c’est comme la connerie, tout le monde s’en plaint mais personne n’y peut rien’ (…) ».

C’est, me semble-t-il, un bon résumé de ce qu’est ce triste été. Nous devrions pourtant, faute de pouvoir bénéficier de l’anticyclone des Açores, être capables de surmonter les nuages, de faire preuve d’imagination pour recouvrer le moral. Les Français ne sont tout de même pas, cela se saurait, les plus malheureux du monde. Retrouver la confiance, qui ne se décrète pas, mais se mérite, n’est pas simple, mais c’est un devoir.

Nos concitoyens n’ont pas le moral. Quand ils n’ont pas le moral, quand ils ont peur de l’avenir, ils n’investissent pas, ils épargnent. Etrangement, plus l’économie est en récession, plus le pouvoir d’achat s’érode, plus le niveau d’épargne est élevé. Le taux se rapprocherait de celui de l’Allemagne, pays riche, mais à la population âgée et inquiète de son avenir. Les chiffres que la Banque de France vient de communiquer, inquiètent les experts qui y voient le signe d’un pessimisme général dû, sans doute, à l’absence de croissance, au risque de chômage et aux incertitudes qui planent sur l’économie française. Les économistes craignent notamment que cette épargne freine la consommation et, les achats étant reportés à plus tard, alimente le risque de déflation. L’épargne dont il s’agit, est liquide, sans risque, dans des contrats d’assurance-vie ou tout simplement sur les comptes courants. La bourse n’en profite pas, le souvenir des krachs de 2000 et 2008 est dans les mémoires. La contraction de l’investissement dans l’immobilier explique aussi cette tendance qui se retrouve dans le trop faible taux de croissance de la France. Le gouvernement a manifestement négligé, depuis deux ans, l’importance de la construction dans la production intérieure brute. Il en prend conscience, mais c’est bien tard. Le taux de croissance de la Grande-Bretagne, bien meilleur, s’explique en partie par le niveau élevé de l’activité du bâtiment.

cover du Monde du 21-08-2014Dans le même temps, l’Institut Montaigne communique que le 17 août à 14h10, précisément, la France a dépassé la barre symbolique des 2000 milliards d’euros de dettes. La facture, pour chaque Français serait de l’ordre de 30.000 euros. L’ancienne ministre du Budget, Valérie Pécresse, qui est particulièrement rapide dans ce domaine, a sauté sur l’occasion pour prédire le risque de cessation de paiement. « Puisque nous devons emprunter à peu près 360 milliards d’euros par an à court et à long terme, explique-t-elle, si les taux d’intérêt remontent d’un point, cela veut dire que cela nous fera 3 milliards de dépenses de plus. De deux points? Sept milliards». La ministre, mais elle n’était pas la seule, avait déjà expliqué au lendemain de la victoire de François Hollande, que les taux d’emprunt allaient immédiatement s’envoler ! Comment expliquer, alors, que les taux d’intérêt historiquement bas: 1,41%, soit 97 points de base de moins que ceux des États-Unis et seulement quelque 40 points de base de plus que ceux de l’Allemagne, ne tiennent pas compte de l’évolution inquiétante de l’économie française ? Jusqu’à nouvelle ordre, les investisseurs ont confiance en la France et les liquidités, dans le monde, sont considérables. En termes de risque, notre pays est considéré comme riche, avec de très nombreux atouts, même s’il doit rapidement conduire des réformes nécessaires. Il est donc très exagéré de parler de cessation de paiement pour la France. Il est même assez outrancier d’écrire, sans nuance : « François Hollande: la faillite, c’est maintenant ». François Fillon avait, en son temps, fait le même constat. Ce n’est pas nouveau, même si les choses ne s’arrangent pas.

Les déclarations du chef de l’Etat peuvent, souvent, désorienter. Evoquer la déflation, non encore avérée, après un optimisme de devoir, ne peut que déclencher des critiques acerbes et donner l’impression que le chef de l’Etat ne sait pas où il va. Demander aux Allemands un partage des responsabilités « politique, militaire et budgétaire », au moment où le manquement aux engagements budgétaires européen ne peut plus être caché, ne peut que susciter le doute sur la crédibilité des propos tenus.

Hollande dans son bureau à l'ElyséeComment les Français pourraient-ils avoir le moral ? Certainement pas en entendant parler, pendant tout l’été, de déflation, de faillite de la France, ou de lire que le gouvernement n’a plus aucune marge de manœuvre, que les comptes des entreprises ne permettent pas de recruter et encore moins d’investir, ou qu’il va falloir augmenter à nouveau les prélèvements parce que le rendement de l’impôt est insuffisant pour réduire le déficit. Le résultat se retrouve dans les chiffres. Les Français ne seraient plus que 15 % à avoir encore confiance dans la politique poursuivie. C’est peu ! Le ressenti est d’autant plus déprimant qu’aucune alternative n’apparait. Le FN attend la catastrophe, mais n’est pas une solution pour une majorité de Français. L’opposition parlementaire se débat dans de telles difficultés, qu’elle ne peut, pour l’instant, constituée un espoir. Le pays éprouve le sentiment d’être dans l’impasse.

Il y a le feu. Alors, c’est dans le journal Le Monde, sans attendre la prochaine conférence de presse, dont la date est fixée au 18 septembre, que le chef de l’Etat a décidé de livrer ses réflexions sur la situation dans laquelle se trouve la France. Dans un long entretien, qui a eu lieu dans le bureau présidentiel, François Hollande maintient que « l’objectif est clair : moderniser notre économie en améliorant la compétitivité et en soutenant l’investissement comme l’emploi ». Pour atteindre cet objectif, le chef de l’Etat est convaincu qu’il faut « accélérer les réformes pour relever le niveau de la croissance au plus vite ». Quatre gisements de croissance seront concernés par les mesures envisagées : le logement, l’investissement, les tarifs des professions réglementées, l’apprentissage et la formations des chômeurs de longue durée.

Interrogé sur la nécessité de relancer la demande, le chef de l’Etat répond « qu’il y a un problème de demande dans toute l’Europe. La zone euro connaît un excédent commercial, un investissement insuffisant et un taux de croissance qui ne permet pas de faire baisser le chômage. C’est essentiellement dû aux politiques d’austérité menées depuis plusieurs années. S’il doit y avoir soutien de la demande, il doit donc se faire au niveau européen, et c’est ce que la France va porter dans le débat qui s’engage avec nos partenaires. »

Pour répondre aux critiques qui lui sont faites, il poursuit : « Mais je n’entends pas me défausser sur l’Europe, car notre pays connaît un problème d’offre. J’ai trouvé en arrivant en 2012 près de 70 milliards de déficit commercial et une industrie avec les taux de marge les plus faibles de ces trente dernières années. Toute mesure de relance de l’activité par des moyens budgétaires aurait donc eu pour conséquence d’aggraver notre dette publique et de détériorer notre commerce extérieur. J’ai donc fait le choix de donner la priorité au redressement productif. C’est une question vitale pour la France. Est-ce à dire que rien ne doit être fait pour soutenir la consommation ? Non. Parce que des efforts ont été consentis depuis deux ans, nous allons en restituer une part dès cette année, en termes de baisse d’impôt, et encore davantage en 2015.

En juillet 2013, le Président disait: « La reprise est là », «  Je ramènerai le déficit à 3 % en 2013 ». «  J’inverserai la courbe du chômage d’ici à fin 2013 ». Aux journalistes du Monde qui ont la cruauté de rappeler à François Hollande des déclarations qui ne sont pas si lointaines, le chef de l’Etat a répondu : « Qui peut contester que l’environnement international et européen s’est dégradé depuis un an ? Les causes en sont connues. Elles sont liées aux incertitudes géopolitiques (Ukraine, Irak…) et à la poursuite de politiques d’austérité en Europe. Ce qui a invalidé toutes les prévisions établies en 2013 pour 2014, pas par le gouvernement français seulement mais par l’ensemble des organismes internationaux. Et dès que j’en ai eu la conviction, je n’ai pas perdu un seul instant et j’ai lancé le pacte de responsabilité en janvier 2014. La crédibilité c’est de ne pas rester immobile. C’est de s’adapter aux circonstances mais aussi de rester cohérent. »

Les principaux banquiers centraux se réunissent aujourd’hui, jeudi 21 août, dans une petite ville du Wyoming pour échanger sur la situation économique dans le monde. Le thème de leur réunion est, en 2014,  » la réévaluation des dynamiques du marché du travail « . Vaste sujet qui laisse les économistes pantois. Ils ne comprennent pas pourquoi la baisse du chômage, aux Etats-Unis et en GB, ne s’est pas traduite par une hausse des salaires et une hausse de l’inflation. En GB, les salaires horaires ont même baissé de 0,2 % sur un an Les contrats précaires ont explosé. Aux Etats-Unis, des chômeurs sont sortis des statistiques en très grand nombre, découragés de ne pas trouver de travail.

blog juppéIl apparait de plus en plus que nous ne sommes pas dans un cycle économique classique. Les défis à relever sont beaucoup plus complexes que par le passé. Il n’est donc pas à l’ordre du jour de remonter les taux directeurs avant la fin de l’année 2015.

Devant tant de difficultés, tout se passe comme si les acteurs politiques étaient pressés de montrer qu’ils maitrisent une situation qui leur échappe. Avant même la fin du mois d’août, c’est à celui qui réussira à prendre les autres de vitesse. Le chef de l’Etat n’est pas le seul à vouloir couper l’herbe sous les pieds de ses partenaires et contradicteurs. Alain Juppé, qui entretenait jusqu’à présent le doute sur ses intentions pour l’élection présidentielle de 2017, a pris de vitesse Nicolas Sarkozy et annoncé mercredi sur son blog :  » J’ai décidé d’être candidat, le moment venu, aux primaires de l’avenir « . Sa conviction, depuis longtemps, c’est qu’il faut  » rassembler dès le premier tour les forces de la droite et du centre autour d’un candidat capable d’affronter le Front national d’un côté et le PS ou ce qui en tiendra lieu de l’autre « . Pour cela, il faut, ce qui est encore flou,  » l’organisation de primaires largement ouvertes à toutes celles et tous ceux, inscrits ou non au parti, qui ne veulent ni de la France barricadée sur elle-même que leur promet le FN ni de ce qu’est devenue l’idéologie socialiste « .

Ceux qui, dans son camp, doutaient de sa capacité à  » aller au bout « , sont restés silencieux après l’annonce de cette déclaration. Les « porte-flingues » qui dégainent généralement avant même d’avoir réfléchi, sont embarrassés. Comment critiquer le « meilleur et le plus sage d’entre nous » ? L’ancien chef de l’Etat, avec ses « cartes postales » a beaucoup trop découvert son jeu. En annonçant son calendrier, il a commis une erreur stratégique. La course est maintenant lancée. Une course à mort. Pour M. Juppé, la « Tentation de Venise », c’est fini. L’heure est à la conquête, pour ne pas dire à la revanche. Opposé à la ligne Buisson, à la droite dure, il entend restaurer une posture gaullienne. Il est le seul capable d’incarner la droite gaulliste, n’en déplaise à Henri Guaino, Européen, ouvert sur les problèmes de société, suffisamment social, il peut doter la France, enfin, d’un mouvement comparable à ce qu’est la CDU en Allemagne. La déclaration d’Alain Juppé, soigneusement rédigée, comme tout ce qu’il écrit, en témoigne. Encore faut-il, maintenant, construire un programme original et convaincant.

Certaines réactions à sa candidature, qui dérange, prouve que la bêtise est bien comme le mauvais temps, tout le monde s’en plaint mais personne n’y peut rien » !


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