Un coup d’État démocratique est-il possible ?


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C’est ce que pense l’ancien conseiller de François Mitterrand, Jacques Attali. Il défend l’idée que pour sortir de la situation dans laquelle se trouve la France depuis trop longtemps, il faut un coup d’État démocratique. Selon lui, ce serait la seule solution pour éviter que le mécontentement populaire, la révolte qui gronde, ne se transforme en situation révolutionnaire à la première occasion qui pourrait être aussi bien une forte augmentation de la dette, si les taux d’intérêt exceptionnellement bas venaient à augmenter brusquement, ou si les inégalités sociales devenaient insupportables, l’État providence ne parvenant plus à les atténuer.

Il n’est pas le seul à préconiser un big bang institutionnel, économique et social. Les Français, tous les Français, sont aujourd’hui comme des mouches dans un bocal. Ils cherchent la sortie. Les querelles de personnes, les promesses non tenues, l’absence de perspective, le spectacle des primaires à droite, comme à gauche, les Français en ont assez.Emmanuel Macron à France 2

L’initiative Macron découle de la même analyse et s’engage apparemment dans la même direction : échapper à l’opposition droite gauche devenue stérile. Je dis apparemment, car sa prestation dans le 20 heures de France 2, dimanche soir, a été peu probante. Petit bras, comme on dit au tennis, incompréhensible pour une grande partie des téléspectateurs, il n’a pas été convaincant. Seul l’étonnement, que n’arrivait pas à masquer Laurent Delahousse, avait quelque chose de rassurant. Les Français attendent autre chose qu’un numéro de charme ! Il faudra être beaucoup plus pédagogue et convaincant pour que le mouvement « En marche » ne se termine pas, lui aussi, dans la poubelle de l’Histoire.

Le rassemblement de la place de la République « nuit debout » est du même tonneau. Ces initiatives politiques, pour faire de la politique autrement, ont une cause commune : le système politique est à bout de souffle, il n’a plus de légitimité, il doit être fondamentalement repensé. Les partis politiques, les syndicats, ont peu à peu perdu leur légitimité. Ils gesticulent en hors-sol.

Le site Nuit debout sur internet
Le site Nuit debout sur internet

Ce n’est pas tout. Dans Le Point, sous le titre : Jean-Marie Cavada : « Un projet politique doit partir du peuple », l’ancien journaliste annonce que six mouvements citoyens se fédèrent pour organiser une « primaire des Français » afin de choisir un candidat hors parti pour la présidentielle de 2017. Ce mouvement s’appuie sur un site, laprimairedesfrancais.fr. À l’initiative, on trouve Bleu Blanc Zebre, d’Alexandre Jardin, la Transition de Claude Postermak, Cap 21 de Corinne Lepage, Nous citoyens de Nicolas Doucerain, le Pacte civique animé par Jean-Baptiste de Foucauld et Génération citoyens de Jean-Marie Cavada. Dans l’entretien qu’il a accordé au Point, ce dernier rappelle que le premier parti de France, ce sont les abstentionnistes, le deuxième, les extrémistes de gauche et de droite et le troisième parti, tous les autres. JMC en tire la conclusion que, comme en 1945 et en 1958, une troisième rupture est inévitable. Elle doit se mettre « en marche », pour remédier à « un État jacobin devenu impuissant, impopulaire et indécis ».

Dans un article intitulé « Sur le long hiver qui vient », je racontais, le 13 novembre dernier, que Philippe de Villiers, Eric Zemmour, Patrick Buisson, et quelques autres, se réunissaient périodiquement au premier étage de la Rotonde, la célèbre brasserie de Montparnasse, pour préparer « un coup ». La droite identitaire, souverainiste, conservatrice, réactionnaire, en un mot, une droite anti-Juppé, se prépare à passer à l’action, convaincue que « ce qui va se passer aura lieu en dehors des partis ». Des intellectuels, des médias, des journalistes, accompagnent ce courant de pensée. La Manif pour tous a donné des idées ! La menace d’une « déchristianisation de la France et de son islamisation » obsède en effet une partie de la population décidée à résister à l’air du temps en dehors des partis politiques.

Le site de laprimairedesfrancais
Le site de laprimairedesfrancais

Le fait que 80 % des Français (sondage Cevipof) ne veulent pas qu’on leur rejoue le match de 2012, donne des idées à ceux – nombreux – qui pensent que le projet politique doit partir du peuple et résulter d’un élan démocratique que ces mouvements entendent encadrer, évidemment !

Cette inflation d’initiatives peut prêter à sourire. Quand la France s’ennuie, pour reprendre le titre devenu célèbre de l’article de Pierre Viansson-Ponté dans le journal Le Monde du 15 mars 1968, tout devient possible, le pire, comme le meilleur.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’ennui. Les Trente glorieuses sont loin. En 2016, c’est la colère qui gronde. Colère contre une mondialisation non maîtrisée, une croissance trop faible, un chômage de masse, un pouvoir d’achat insuffisant, des impôts trop élevés, des avantages sociaux qui s’érodent, des retraites qui ne seront plus ce qu’elles ont été, une Union européenne qui ne fait plus rêver et des dirigeants politiques qui ne sont pas à la hauteur de la période exceptionnelle et très particulière que nous traversons. L’opinion publique est beaucoup plus informée qu’elle ne l’était il y a 45 ans. Elle a parfaitement intégré les données du problème. Elle sait que la troisième révolution industrielle est « en marche » et qu’elle bouleverse le monde entier. Elle demande simplement qu’on lui explique en quoi consiste cette troisième révolution industrielle qui est très difficile à comprendre. Pour avoir une chance de s’y adapter, les Français veulent comprendre où nous allons et de quoi sera fait l’avenir. Ils veulent élire un chef, un vrai, qui comprendra son temps et qui agira dans l’intérêt des Français. Les premiers effets visibles de cette nouvelle révolution industrielle ne sont qu’une petite partie de cette évolution. Ils trouvent leur traduction notamment dans l’économie collaborative à laquelle certains adhèrent et d’autres résistent. Les BlaCar, Airbnb, Uber, bouleversent les habitudes. Les projets des Gafa (Google, Appel, Facebook, et Amazone) déconcertent, rebattent les cartes. Un nouveau monde est en marche, mais à l’arrivée, en quoi consistera-t-il ? Telle est la question à laquelle le système politique en vigueur en France, aujourd’hui, n’est pas capable de répondre, pour rassurer les citoyens et leur apporter l’espoir et la motivation dont ils ont le plus grand besoin.

Les Français veulent un Roi, un sauveur. Ils attendent un événement, un Deus ex machina, capable de dénouer la situation dans laquelle le pays se trouve, capable de provoquer un sursaut. Dans cette phase d’attente, la tension monte, les esprits s’échauffent, les discours deviennent de plus en plus violents. Les Français n’attendent plus rien des institutions, des responsables politiques. Un sondage IFOP d’octobre 2015 révélait un besoin d’autorité, une demande « d’un vrai chef pour remettre de l’ordre dans le pays » et, paradoxalement, une demande d’experts pour gouverner le pays et mettre en œuvre les réformes nécessaires que les politiques, obsédés par leur réélection, n’ont ni la volonté, ni le courage, d’entreprendre.

 


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