Ukraine : Esprit de revanche et/ou erreurs de l’Occident ?


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À 3 h 15 du matin, le 24 février, un important mouvement de véhicules a été signalé à la frontière entre la Russie et l’Ukraine par un internaute qui regardait Google Maps. Il a tweeté l’information. Les Russes venaient d’entrer en Ukraine, « lopération militaire spéciale » avait commencé.

Cette guerre, qui ne dit pas son nom à Moscou, va probablement faire entrer l’Europe dans une « nouvelle ère », comme la chute du mur de Berlin, en 1989, l’avait provoqué voilà trois décennies, avec la chute de l’Union soviétique, en 1991.

Pourquoi cette guerre ? Par esprit de revanche ? Parce que l’Occident aurait commis des erreurs, abusé de la patience des Russes ?

Les dirigeants politiques occidentaux, les services de renseignements, à l’exception des services américains, ne pensaient pas que Poutine prendrait ce risque.

Y a-t-il eu erreur d’analyse de part et d’autre ? Ce ne serait pas la première fois dans l’Histoire ! Sous-estimer l’esprit de revanche est un grand tort.

Pour tenter de comprendre les raisons qui ont motivé l’invasion de l’Ukraine, il faut remonter à l’été 1999. Personne, alors, n’imagine que ce jeune inconnu timide, sans charisme, pourra succéder durablement au président Eltsine. La guerre aux Tchétchènes qu’il déclare vouloir « buter jusque dans les chiottes », une guerre impitoyable qui fera 200 000 morts et laissera Grozny en ruines, fera pourtant de cet homme jeune, énergique, moderne, le nouveau Tsar. L’Occident prête relativement peu d’attention au désastre humanitaire de Grozny.

Ancien du KGB, Vladimir Poutine met très vite au pas les ­oligarques les plus puissants et place aux commandes ses amis de Saint-Pétersbourg. En 2001, au lendemain du 11-Septembre, il propose son aide à George W. Bush dans l’action armée en Afghanistan. George W. Bush, reconnaissant, lui confiera qu’ils sont les seuls à pouvoir « changer l’ordre du monde ».

L’Académicien Andreï Makine, prix Goncourt 1995, témoigne qu’en 2001, Poutine « cherchait la compréhension des pays démocratiques. Il n’avait pas en tête un projet impérialiste, comme on le prétend aujourd’hui. À cette époque-là, le but du gouvernement russe était de s’arrimer au monde occidental. » Peut-être, mais, en 2002, les États-Unis sortent du traité ABM, qui limitait l’installation de boucliers antimissiles. La Russie proteste contre cette décision qui ne peut, d’après elle, que relancer la course aux armements. En 2003, les Américains annoncent une réorganisation de leurs forces, en direction de l’Est européen.

Le 17 novembre 2004, Poutine a promis de redonner à la Russie son statut de grande puissance du pays, en la dotant de systèmes d’armement « qui n’existent pas et n’existeront pas avant des années chez les autres puissances nucléaires ». Les Géorgiens avaient de bonnes raisons d’être inquiets. Les Ukrainiens, dans le Dombass, aussi ! Les discours russes ressemblaient de plus en plus à ceux prononcés durant la Guerre froide.

Vladimir Poutine a changé de ton. Des documents prouveraient qu’il avait déjà l’intention d’arracher aux Américains, un partage des zones d’influence, une sorte de nouveau Yalta, qui lui permettrait de restaurer la grandeur de l’empire russe. Ce n’était pas dans l’air du temps. Poutine, déçu, n’oubliera pas. Les bombardements américains sur l’Irak et la Libye viendront nourrir son esprit de revanche. Sa formation d’origine le pousse à croire que les révolutions géorgienne et ukrainienne de 2003 et 2004 ont été organisées par les États-Unis qui cherchent à encercler la Russie. Le nouveau maître du Kremlin ne tolérera pas que l’Ukraine et la Géorgie manifestent des tendances centrifuges. Il ne supporte pas que des pays anciennement communistes aient intégré l’Otan.

La stratégie de puissance de Vladimir Poutine s’accompagna d’un retour du culte de la personnalité, de l’homme fort, de nouvelles paroles pour l’ancien hymne soviétique, de la création de mouvements de jeunesse qui ressemblaient aux jeunesses communistes soviétiques et de la liquidation progressive de toute forme d’opposition politique. Une stratégie destinée à susciter la crainte d’une confrontation militaire en Europe », comme l’explique très bien Isabelle Facon (La nouvelle armée russe, Paris, L’Inventaire, 2021, 128 pages, ISBN 2355970440). La référence à la glorieuse Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale était fréquente pour stimuler le patriotisme de la population russe, comme si la Russie était à nouveau agressée. Agressée par l’Occident en général, l’OTAN, les États-Unis, l’Europe, cette fois-ci, les nazis, encore. Les sondages d’opinion confirmaient les effets de cette propagande.

Le discours, selon lequel la Russie serait le seul défenseur des « vraies » valeurs européennes, avait tout pour plaire aux mouvements d’extrême droite, en Europe et ailleurs, qui accordaient, et accordent encore, leur confiance en celui qui a su sortir son pays du déclin et reconstruire son armée.

Dans son discours de Munich de février 2007, Poutine confirme son intention de jouer un rôle constructif sur la scène mondiale en participant activement à la coopération internationale en matière militaire et de sécurité, à la condition d’être payée de retour. Il faisait allusion à son « étranger proche », sa zone d’influence quasi exclusive, qu’il veut voir reconnu. Il dénonçait l’unilatéralisme américain et la propension des pays occidentaux à recourir à la force militaire pour régler des problèmes de sécurité internationale, parfois sans demander l’accord du Conseil de sécurité de l’ONU. Le président Poutine souhaitait améliorer les relations avec l’Occident à la condition que les États-Unis ne se comportent pas en « superpuissance ». Il avait mis en chantier un nouveau Concept de sécurité.

En 2012, quand Vladimir Poutine a annoncé devant son Conseil de sécurité, son intention d’investir 23 000 milliards de roubles (environ 563 milliards d’euros) dans la modernisation de son outil de défense, l’Occident n’a pas mesuré le danger que représentait ce réarmement. Cet effort était pourtant comparable à celui qu’avait fait Joseph Staline dans les années 1930. Effort qui s’accompagnait d’une nouvelle doctrine militaire destinée à « protéger les droits des Russes à l’étranger », c’est-à-dire partout où des populations russophones pourraient se sentir en danger.

Le 1er mars 2018, le président Vladimir Poutine, dans son discours au Parlement, évoque plusieurs nouveaux systèmes d’armes capables de contrer les défenses antimissiles américaines, dans le cadre de la modernisation de son arsenal nucléaire. Cette annonce a interrogé les Occidentaux sur la menace que cette évolution constituerait. Le président russe, qui a qualifié la disparition de l’URSS de « plus grande catastrophe du XXe siècle pour la Russie », se lance donc dans une nouvelle course aux armements.

La grande majorité de Russes, mobilisée par une forte propagande, souhaitait, comme son président, que la Russie résiste à l’hyperpuissance américaine et, par fierté nationale, était sensible à la capacité de son pays à prendre de l’avance sur les Américains en matière d’armements du futur : hypersonique, armes à énergie dirigée, systèmes sous-marins autonomes, pour un « coût tout à fait modeste », précisait Poutine !

Puisque l’espoir d’une relation apaisée avec les États-Unis était sans issu et que l’administration américaine (Stratégie de sécurité nationale, Nuclear Posture Review), faisait de la Russie, une menace pour la sécurité américaine, la voie était libre pour la fabrication de « contre-mesures » crédibles et efficaces, en réponse à Barack Obama qui avait imprudemment dit que la Russie était un pays qui « ne fabrique rien ».

Ce discours était bel et bien un discours de « revanche ». La Communauté internationale ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas.

Le 20 février 2019, le président russe, devant l’Assemblée fédérale, rassemblant les membres du Conseil de la Fédération et de la Douma d’État, a déploré que les États-Unis, aient le projet de prépositionner des lanceurs de missiles en Roumanie et en Pologne, violant ainsi les dispositions des articles 4 et 6 du traité, ce qui constitue une menace « sérieuse » à la sécurité de la Russie dans la mesure où certains des missiles américains pourraient atteindre Moscou « en 10 à 12 minutes ». La Russie se verrait alors « contrainte » de répondre au moyen d’actions « réciproques ». Cela se traduirait par le déploiement d’armes qui seraient utilisées « non seulement à l’encontre de zones d’où pourrait émerger une menace directe mais également contre des aires où sont localisés les centres de décision relatifs à l’usage de missiles menaçant le territoire russe ». La Russie se tenait néanmoins « prête à s’engager » dans des pourparlers en matière de désarmement, mais demandait à ses partenaires de « prendre conscience » de l’urgence d’un dialogue à ce sujet.

Après avoir souligné que la politique menée, ces dernières années par Washington à l’égard de Moscou apparaissait « clairement malavisée » et ne pouvait être que « difficilement décrite comme amicale », Vladimir Poutine a néanmoins affirmé que la Russie souhaitait développer une relation « solide et équitable » avec les États-Unis, tout en faisant état de la poursuite « dans les délais prévus » des prototypes et autres systèmes d’armements présentés dans le cadre du précédent discours annuel devant l’Assemblée fédérale. Il faisait allusion au missile balistique intercontinental Sarmat et au missile de croisière à propulsion nucléaire Burevestnik en cours de tests.

Enfin, le 21 avril 2021, Vladimir Poutine, dans son discours annuel sur l’état de la Russie devant les deux chambres du Parlement, a adressé une mise en garde aux Occidentaux, préoccupés par le déploiement de milliers de soldats russes aux frontières de l’Ukraine. « Les organisateurs de provocations menaçant notre sécurité le regretteront comme jamais ils n’ont eu à regretter quelque chose« , a-t-il martelé. « J’espère que personne n’aura l’idée de franchir une ligne rouge avec la Russie. Mais nous déterminerons nous-mêmes par où elle passe », a précisé le président russe qui a promis une riposte « asymétrique, rapide et dure ». « Nous voulons de bonnes relations […] et ne voulons vraiment pas couper les ponts », a tenu à rassurer le président russe.

Dans ce discours, Vladimir Poutine s’est montré prêt à tenir les positions les plus dures sur la scène internationale au nom de la souveraineté et des intérêts russes. Il était déterminé à ne pas laisser la Russie humiliée et entendait montrer que c’est lui qui dicte le calendrier international. Les mots qu’il a utilisés étaient extrêmement durs.

Pour Vladimir Poutine, qui ne connaît que le rapport de force, « les faibles se font toujours battre ».

Lors de la visite à Moscou du président Macron et de la conférence de presse qui a suivi l’entretien de plus de cinq heures, Vladimir Poutine a tenu des propos sidérants en réponse à un journaliste : « vous comprenez ou non que si l’Ukraine entre dans l’OTAN et reprend la Crimée par la voie militaire, les pays européens seront automatiquement entraînés dans un conflit militaire avec la Russie. Bien sûr, les potentiels de l’OTAN et de la Russie ne sont pas comparables. Nous le comprenons, mais nous comprenons aussi que la Russie est l’une des principales puissances nucléaires… Il n’y aura pas de vainqueurs, et vous serez entraînés dans ce conflit contre votre gré » du fait de l’article 5.

La Russie a très mal vécu les interventions de l’OTAN dans les Balkans, l’opération en Afghanistan et les guerres d’Irak, les projets antimissiles américains, les « révolutions de couleur » et le prépositionnement de nouvelles installations militaires sur le territoire des membres récents de l’OTAN. Une « remilitarisation des relations internationales » qu’elle dénonce depuis les années 1990 : opérations militaires sans mandat de l’ONU, interventions militaires au nom des droits de l’Homme, installation d’armes dans l’espace. Ces événements ont conduit la Russie à opérer des sauts qualitatifs dans son outil de défense pour ne pas laisser le différentiel technologique avec les États-Unis se creuser trop profondément. Elle entend se faire respecter sur la scène internationale.

À l’appui de cette posture stratégique, Poutine a multiplié les manœuvres militaires, exercices, démonstrations de force dans le but de créer, et entretenir, un climat d’inquiétude et de modifier l’attitude de l’Occident à l’égard de la Russie, manifestement décidée à tester l’Otan. Moscou veut montrer que le rapport de force militaires a changé. La suite, nous la vivons au quotidien, depuis le 24 février.

Cet article serait trop long, si je reproduisais l’éditorial de l’agence Novosti, prévu pour le jour d’après une victoire rapide sur l’Ukraine. Il a été publié par inadvertance et aussitôt effacé du site de l’agence. Sa traduction en français a été publiée par la fondation Fondapol. On y lit noir sur blanc que la disparition de l’Ukraine en tant qu’État séparé de la Russie provoquera un ébranlement profond de l’Occident et que notamment le lien entre l’Europe et l’Amérique ne devrait pas s’en relever. Il y est indiqué aussi que l’intervention en Ukraine était devenue indispensable par ce que le spectre d’une « Ukraine antirusse » ne cessait de progresser.Les conditions qu’affiche Vladimir Poutine quand on lui parle de négociation de cessez-le-feu disent tout de ses objectifs : « dénazification, démilitarisation, neutralisation« .

L’esprit de revanche est caractérisé.

L’Occident a commis des erreurs.

Les Occidentaux se sont fait des illusions. Ils ont cru que la disparition de l’Union soviétique signifiait le triomphe du modèle occidental, la globalisation des marchés pour l’éternité. Ils n’ont pas su saisir la chance que représentait la perestroïka. La Russie avait envie de s’ouvrir au reste du monde. Pour cela, il aurait fallu que les institutions internationales évoluent, l’Otan, également.

C’est la thèse défendue par un certain nombre d’experts et intellectuels. Hubert Védrine ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002, est de ceux-là. Il rappelle que les dirigeants occidentaux, qui avaient eu à gérer la Guerre froide, considéraient que « l’Occident ne devrait pas céder à l’ivresse de l’hyperpuissance ». Henry Kissinger, notamment, regrettait que l’Occident n’ait pas fait plus d’efforts pour intégrer la Russie post-1991. Zbigniew Brzeziński, conseiller aux affaires étrangères de Jimmy Carter, jugeait, quant à lui, que vouloir inclure l’Ukraine dans l’Otan était une erreur. Helmut Schmidt, Helmut Kohl, François Mitterrand et Margaret Thatcher étaient plus lucides que ceux, plus jeunes, qui, après la fin de l’URSS, ont proclamé « la fin de l’histoire » et se sont fait des illusions sur « la mondialisation heureuse ». « Chez les Américains, selon l’ancien ministre, il s’agissait d’un mélange d’arrogance, d’instinct de puissance et d’inculture historique ». Jacques Chirac et Dominique de Villepin partageaient la même vision d’une Europe de Paris à Saint-Pétersbourg. Mais les Américains en ont décidé autrement. Cela aurait signifié la fin de l’Otan, la fin de la militarisation de l’Europe qui, appuyée sur la Russie et ses richesses, serait devenue trop puissante et indépendante. L’Europe, selon ces experts, s’est donc laissée « vassalisée » par l’hyperpuissance des États-Unis. En 2021, Joe Biden en a d’ailleurs imprudemment remis une couche lorsqu’il a déclaré : « l’Amérique va de nouveau régir le monde ».

Peut-être, mais n’est-ce pas sous-estimer l’esprit de revanche qui anime Vladimir Poutine depuis la chute du Mur, à laquelle, agent du KGB, il a assisté ?

D’autres, plus jeunes, comme Bruno Tertrais, directeur adjoint de la FRS, pensent que Poutine est le seul responsable de cette situation. « Il est enfermé dans ses certitudes. La séquence avec son chef du renseignement extérieur est révélatrice de son caractère de domination. Enfermé dans le Kremlin, il décide dans le plus grand secret, ce qui lui a fait perdre le sens des réalités. Il n’a pas changé, contrairement à ce que pense Hubert Vedrine, en dehors de la Covid qui lui a fait très peur. Il personnifie le ressentiment. Obsédé par le nazisme, psychorigide, incapable de reculer. Il applique aux relations internationales, les règles du judo. Certains ont voulu croire qu’il avait été humilié. La Russie n’a pas été humiliée. Poutine fait preuve de paranoïa dans tous ses discours. Il dit respecter le droit et les traités, mais il les viole en permanence. »

Il n’est pas le seul. Le professeur Gregory Carleton, expert du monde post-soviétique et de la civilisation russe, pense que « Vladimir Poutine a commis plusieurs erreurs. Il pensait certainement que cette guerre serait comme la prise de la Crimée, simplement à une plus grande échelle. Il a sous-estimé la réaction occidentale et l’ampleur des sanctions. Il a aussi mal évalué l’impact des technologies de l’information sur les opérations : il n’est plus possible, dans un conflit de cette ampleur, de garder le contrôle de l’information, et la Russie est clairement en train de perdre à ce niveau. Enfin, et c’est lié au point précédent, si l’opinion publique russe était largement en faveur de l’annexion de la Crimée, on ne peut pas en dire autant de cette guerre. Vladimir Poutine semble croire à ses propres mensonges ; il est enfermé dans une bulle informationnelle, entouré d’intrigants, ce qui le conduit à mal évaluer la situation. »

Alain Frachon, éditorialiste au « Monde » conteste également la petite musique selon laquelle les Occidentaux auraient « abandonné », voire « humilié » la Russie, comme le dit Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française. Dans son article, le journaliste rappelle les faits : « Sous la pression des États-Unis, la Russie entre en 1992 au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale : elle obtient des dizaines de milliards de dollars de prêts continus dans les années qui suivent. Elle rejoint le Conseil de l’Europe en 1996, puis le G7 en 1997 (qui devient G8). » Il poursuit : « Moscou bénéficie du soutien de Washington lors de la crise du rouble en 1998 et d’une assistance financière d’urgence de Bruxelles. Sans compter le partenariat Russie-OTAN mis en place, au moins formellement, dès 1991 ». Pour Moscou, l’extension de l’OTAN, l’alliance défensive créée durant la guerre froide et qui lie les États-Unis à l’Europe, est une provocation. Défendre l’idée que « l’histoire, la géographie et la culture font que la Russie a droit à une ceinture de sécurité autour d’elle et que, dans cette zone, les États et les peuples concernés auraient une souveraineté limitée », n’est, pour ce journaliste, rien d’autre qu’une une forme de vassalité. Il cite John Mearsheimer, néoréaliste américain, professeur à l’université de Chicago, qui invoque la nécessaire prise en compte des intérêts de sécurité de la Russie. C’est prêter à Poutine une sagesse qui ne lui est pas coutumière ! Alors que le président russe affirme que l’Ukraine n’existe pas : elle fait partie de la Russie. Son seul et unique but, c’est la restauration de la Grande Russie, comme dit Novosti, son agence de presse.

Le « Monde » a récemment exhumé de ses archives, les 23 articles consacrés à Vladimir Poutine, de la guerre en Tchétchénie en 1999 à sa mainmise totale sur le pouvoir en Russie. Cette plongée à travers ces archives est édifiante. J’en recommande la lecture.

Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro (56e session de l’IHEDN), rappelle qu’en août 2019, une semaine après avoir reçu Vladimir Poutine dans sa résidence d’été du fort de Brégançon, Emmanuel Macron, au cours de la conférence des Ambassadeurs, « avait montré du doigt ceux qui résistaient à sa volonté d’engager avec le Kremlin une réflexion sur une « nouvelle architecture de sécurité en Europe ». Les événements, les actes d’hostilité envers l’Europe, les actions violentes contre les voisins de la Russie, les mensonges de Vladimir Poutine, ont fait perdre au chef de l’État, ses dernières illusions. C’était trop tard !

Quand le 27 février, aux premières heures du conflit, le président russe a averti les pays qui s’y opposeraient qu’ils s’exposeraient à des conséquences « comme ils n’en ont jamais vu », puis a placé « en état d’alerte » les forces nucléaires russes, il a pris un avantage stratégique indéniable qui a retenti jusque dans le Sud Est asiatique.

Les États-Unis se sont trompés sur la Russie. Ils lui ont laissé la « maîtrise de l’escalade », erreur stratégique, et ont trop souvent minimisé les agressions sur ses voisins immédiats.

Autre erreur, de communication, cette fois. Déclarer à qui veut l’entendre, ce qu’elles ne veulent pas faire, comme le font l’Otan, les États-Unis et les Européens, est une erreur de stratégie qui a pour effet d’affaiblir la dissuasion dont il ne faut jamais parler, pour qu’elle reste crédible.

Dire, comme l’a fait le secrétaire général de l’OTAN : « Il ne peut pas y avoir d’avions de l’Otan dans le ciel ukrainien, ni de troupes de l’Otan sur le territoire ukrainien », témoigne d’une certaine « paralysie stratégique face à la menace nucléaire agitée par Poutine », comme le souligne l’excellente spécialiste des relations internationales, Alexandra de Hoop Scheffer et ne peut que confirmer Vladimir Poutine dans ses intentions. Le chancelier allemand Olaf Scholz commet la même erreur quand il déclare qu’il n’y a pas d’alternative au gaz russe.

Comment venir en aide à l’Ukraine ? « Les pays de l’OTAN sont déterminés à ne pas se laisser entraîner dans un conflit armé face à la Russie. Mais la limite entre paix et guerre est très ténue, explique Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde » qui ajoute que « Vladimir Poutine, lui, ne s’y trompe pas ; il a averti le 5 mars que cette panoplie de sanctions s’apparentait à « une déclaration de guerre ». « D’une certaine manière, nous sommes en guerre, estime Jean-Marie Guéhenno, ancien secrétaire général adjoint, en charge des opérations de maintien de la paix, à l’ONU et ancien président du conseil d’administration de l’IHEDN. Du point de vue de Poutine, nous lui faisons la guerre sans prendre les risques de la guerre. Lui est relativement clair sur ses buts de guerre. Le sommes-nous sur les nôtres ? »

Quand Vladimir Poutine menace d’utiliser l’arme nucléaire pour arracher des concessions à l’Ukraine, aux États-Unis, à l’Europe, il met à l’épreuve la volonté de l’Occident incapable, depuis vingt ans, d’endiguer les ambitions de puissance de la Russie.

L’Occident a sans doute commis des erreurs. Les historiens auront la lourde tache de dégager une vérité de ce « papier tue mouche ». En attendant, je lis, j’écoute, je regarde, sans oublier que je ne crois à rien de ce qu’on me dit, et à la moitié seulement de ce que je vois sur l’écran de mon téléviseur.


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