« Nos amis Allemands ».


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L’amitié, après des siècles de conflits, n’allait pas de soi. Dès 1946, les Etats-Unis d’Amérique ont fait ce qu’il fallait pour que la France et l’Allemagne se réconcilient et, ensemble, protègent l’Europe de l’Ouest de l’Empire soviétique. Bien avant que le général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer signent le traité de l’Elysée le 22 janvier 1963, des hommes comme Alfred Grosser, des intellectuels, des résistants, des déportés même, qui avaient souffert, ont eu le courage de prendre des initiatives pour que la réconciliation s’impose. Les relations personnelles ont ainsi permis la création de nombreuses associations franco-allemandes, les premiers jumelages entre communes, les premiers échanges de jeunes. Pour la société civile, la réconciliation était plus simple. Ces relations universitaires, littéraires, intellectuelles, n’avaient-elles pas toujours existé avant les conflits armées ? Robert Schuman et Jean Monnet, dès 1950, avaient pris des initiatives pour que la production du charbon et de l’acier soit mise en commun. Le général de Gaulle, avant son retour aux affaires, en 1959, était réservé. La méthode Monnet, les projets d’institutions communes, d’intégration européenne, lui paraissaient être autant de restrictions de la souveraineté nationale à laquelle il était attaché par-dessus tout, pour laquelle il s’était tant battu. Pour des raisons politiques, il aurait préféré que l’Allemagne s’engage dans une véritable union politique.

Signature du traité de l'Elysée
Signature du traité de l’Elysée

Précédé de l’immense réseau de relations personnelles, qui s’était constitué dans la société civile, c’est dans l’allégresse et devant une foule considérable, que le général de Gaulle, en visite d’Etat, prononça son discours dans la cour du château de Ludwigsburg le 9 septembre 1962. C’est ce discours et l’adhésion de la population qui fondent la réconciliation et l’amitié franco-allemande résumées en trois mots : « Nos amis Allemands », « Unsere deutschen Freunde »

Le traité de l’Elysée fut une autre affaire. Pour le général de Gaulle, il s’agissait d’un pacte permettant à ce deux pays de s’opposer, le cas échéant, à la domination américaine. Pour le Bundestag, il n’était pas question d’aller aussi loin. Le traité devait être précédé d’un préambule qui, selon le général de Gaulle, le vidait de son sens.

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Le traité de l’Elysée

Néanmoins, cinquante ans après, le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, tous les six mois, l’obligation de se parler régulièrement, de se rencontrer, n’évite pas les disputes et les désaccords mais « fluidifient » suffisamment les relations pour qu’elles ne soient jamais compromises durablement. Economiquement, des relations solides se sont nouées entre les deux pays. Les économies sont complémentaires et dépendent en grande partie l’une de l’autre. L’Allemagne est le premier partenaire commercial de la France. AIRBUS est le symbole de ce que des entreprises sont capables de faire sans l’intervention – ou presque – des politiques. De chaque côté du Rhin, c’est près de 400 000 emplois qui sont occupés par des ressortissants du pays voisin. Le tissu économique, social, culturel, est beaucoup plus important et solide pour les relations franco-allemandes, que le quotidien politique qui, chargé d’arrière-pensées, de combinaisons partisanes, de querelles d’ego, pourrait le laisser penser.

Il est cependant évident que depuis la réunification de l’Allemagne, la France n’a plus le leadership politique et l’Allemagne la seule puissance économique. Le rapport de forces est différent. L’amitié n’est plus obligatoire et les compromis plus difficiles à négocier. L’absence de politique économique commune, alors que la monnaie – l’euro – a été instituée sur le modèle de l’ancien Deutsche Mark, pose de sérieux problèmes.

Avant l’an 2000, l’Allemagne était le « grand malade de l’Europe », mais avec l’agenda 2010 Schröder, elle s’en est sortie et a retrouvé une confiance dont la presse allemande aurait parfois tendance à abuser.

Jusqu’à maintenant, face aux difficultés, les deux pays ont toujours réussi à trouver des solutions. Si ces deux pays, profondément européens, le demeurent et résistent à la montée des populismes, l’Europe, avec les atouts dont elle dispose, repartira du bon pied. Attention, cependant, l’amitié ne fera pas tout. Il faudra que l’esprit de communauté qui existe entre nos deux pays se vérifie dans l’action au jour le jour. S’être vu décerner le prix Nobel de la paix le 10 décembre 2012, partager la même monnaie, l’euro, se déplacer librement dans un espace sans frontières, mener à bien des projets industriels importants, c’est bien, mais le passé ne garantit pas l’avenir. Pour faire vivre l’esprit du traité de l’Elysée, il faudra du courage, de la volonté politique et une capacité à entrainer les peuples vers un avenir meilleur qui manque aujourd’hui.

à suivre….


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