Morale laïque et culture européenne.


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91% des Français approuveraient, selon un sondage Ifop, l’annonce faite le 2 septembre, par Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, du retour, dès la rentrée 2013, de la morale laïque à l’école. C’est dire à quel point la société française est préoccupée par la perte des valeurs, la montée de la violence, le sentiment que, petit à petit la France perd son âme. Les Français sont inquiets. Ils constatent, impuissants, que notre culture a du mal à intégrer l’Islam, une théocratie dominatrice et bien peu tolérante, trop différente de la notre.

Ils déplorent également que, dans un monde de l’instant, hypermédiatisé, la transmission des valeurs fondamentales ne se fasse plus comme par le passé. En un mot, ils se demandent si le changement de nature de la famille, l’insuffisante transmission du savoir, une immigration massive, ne finiront pas, purement et simplement, par changer la nature de notre race et de notre pensée. Les civilisations meurent. Le meilleur exemple, c’est l’Egypte. Que reste t-il de sa culture profonde et riche ? Des monuments !

Peut-on dire qu’il existe une culture européenne ? C’est difficile, tant il y a de différences entre un Allemand, un Italien, un Anglais ou un Français. Tant il y a aussi de contradictions. On dit le Français cartésien alors qu’il y a bien peu de logique dans son comportement dominé le plus souvent par les sentiments et les émotions qui n’ont rien à voir avec le doute et la pensée de Descartes. Les Français voyagent de plus en plus. Ils découvrent d’autres civilisations fondamentalement différentes de la notre, dans lesquelles l’homme, la dignité humaine, notion bien banale chez nous, ne sont pas perçus de la même manière. La culture européenne, notre culture, est une construction complexe, résultat des invasions et de la grande influence de l’identité romaine. Une pensée commune a émergé de tous les accidents de l’histoire. Dominée par l’influence gréco- romaine qui s’est imposée dans presque tous les domaines, cette pensée commune a aussi grandement bénéficié de la pensée hébraïque qui nous est venue grâce au Christianisme. Nous avons eu, nous européens, une chance exceptionnelle de pouvoir bénéficier de cette pensée nouvelle et originale. Cette pensée, nous y tenons ! C’est une manière d’être commune qui lie, autour de la dignité humaine, un certain nombre de populations en Europe. C’est ce qui fait que nous sommes très différents de tous les peuples qui ne possèdent pas cette valeur. Il existe un individualisme européen et occidental qui n’existe pas en Chine, par exemple, peuple pourtant si raffiné, intelligent et cultivé.

Pour préserver ce socle de valeurs, cette chance exceptionnelle que nous avons, il faut une vigilance qui ne peut venir, dans une République, que du plus haut niveau de l’Etat. C’est dans cet esprit que le ministre de l’Education nationale a fait cette annonce qui a aussitôt déclenché un débat passionné comme la France, qui a un sens profond des divisions, en a le secret. L’emploi du concept de « morale laïque », contesté par ceux qui préfèrent la notion d’instruction civique, renvoie à une époque – la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle – charnière dans notre pays qui a besoin, aujourd’hui, d’un élan nouveau. Vincent Peillon s’était pourtant contenté d’annoncer une concertation sur la question de la création de cours de « morale laïque » à l’école au nom du « redressement intellectuel et moral » de la France. Il a immédiatement été accusé de confusion des genres, de « bonnes intentions mais intellectuellement bancales et scolairement contestables ».

Il lui a été reproché de parler de « morale laïque » et de qualifier ainsi la morale au lieu de parler d’instruction civique à l’intérieur de laquelle des notions de morale auraient pu être introduites. De quoi s’agit-il ? Une morale laïque est-elle possible ? En son temps, Dostoïevski ne disait-il pas : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ». Est laïque, tout ce qui n’est pas religieux. En effet, il ne s’agit pas d’avoir raison aux yeux d’un Dieu, mais d’avoir raison à ses propres yeux. La célèbre encyclique de Jean XXIII, « Pacem in terris, Paix sur la terre », avait ouvert des voies nouvelles. Il y était mis en évidence que le devoir moral est inscrit dans la nature de l’homme. Le temps a passé, le Vatican a durci sa doctrine. Comment être raisonnable au sens où Aristote l’entendait, pour un homme qui se situe dans le prolongement de l’évolution animale dont il constitue l’aboutissement ? Une morale laïque doit montrer que notre vocation sur la terre est de nous dépasser nous-mêmes, de nous arracher à notre individualité pour accéder à l’universalité qui réalise la raison. L’homme, capable de dominer la nature, doit aussi être capable de dominer la nature qui est en lui. Membre d’une communauté, l’homme a le devoir d’être un homme. Quand l’exigence d’un assouvissement immédiat importe seul, l’homme a toutes les chances de retomber au niveau animal.

Chaque groupe social, chaque individu, a le devoir d’être raisonnable pour appartenir à une culture commune dans laquelle la morale laïque a toute sa place. Nul n’est besoin de chercher les arrière-pensées, les intentions prêtées à l’agrégé de philosophie qu’est le ministre de l’Education nationale,  pour inculquer aux élèves les notions élémentaires de responsabilité de leurs agissements, l’importance de la politesse dans les relations sociales, le nécessaire respect d’autrui ou le lien qui existe entre la liberté personnelle et les contraintes de la vie en société.

Faisons confiance aux enseignants pour mettre en commun leurs expériences et leurs méthodes pour transmettre une morale que l’on qualifiera de laïque parce que c’est à chaque élève – et à lui seul – de se référer, ou non, librement, s’il en éprouve le besoin, aux préceptes de sa religion ou à celle de sa famille. Les jeunes ont besoin d’apprendre à penser par eux-mêmes, à développer leur esprit critique pour devenir des acteurs de la vie démocratique. La morale laïque, ce n’est pas seulement distinguer le bien du mal et assimiler tant bien que mal des concepts abstraits, c’est aussi fortifier cette culture européenne, ciment dune Europe qui est notre avenir face à la montée du nationalisme et de son avatar, le populisme..


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