Le prix Vauban 2014 a été remis à M. Alain Finkielkraut de l’Académie française.


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Le 9 décembre dernier, dans le Salon des Maréchaux de l’Ecole Militaire, le prix Vauban 2014, décerné par l’Association des Auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, a été remis à M. Alain Finkielkraut, membre de l’Académie française, pour son ouvrage : « L’identité malheureuse ».

La cérémonie était présidée par le général de corps d’armée Bernard de Courrèges d’Ustou, directeur de l’IHEDN, Madame Ariane Malzac, Présidente de l’Association des auditeurs de l’IHEDN et M. Xavier Pacreau, Président de la commission du prix Vauban.

M. Pacreau (à g) et le général de Courrèges à droite
M. Pacreau (à g) et le général de Courrèges à droite

Dans son allocution, le général de corps d’armée Bernard de Courrères d’Ustou s’est déclaré, au nom de l’Institut qu’il dirige, honoré de recevoir M. Alain Finkielkraut dans le Salon des Maréchaux, et a félicité le nouvel Académicien pour cette récompense et pour l’ensemble de son œuvre. Il a également salué l’action de l’Association des Auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale pour le choix de la commission du prix Vauban qui contribue au rayonnement de l’Institut.

Madame Ariane Malzac, a rappelé que, chaque année, depuis 1973, le prix Vauban récompense une œuvre, ou une action, ayant contribué à la promotion, à l’illustration ou au développement de l’esprit de défense dans le domaine militaire, géopolitique, économique, scientifique, diplomatique ou politique. La Présidente de l’Association des auditeurs de l’IHEDN a souhaité la bienvenue à la 67ème session nationale « Politique de défense » de l’IHEDN conviée à cette réception.

M. Xavier Pacreau, Président de la commission du prix Vauban, a ensuite présenté M. Finkielkraut, un des plus beaux exemples de l’intégration à la française. Naturalisé à l’âge de un an, fils d’un maroquinier, le nouvel académicien, après une brillante scolarité, est parvenu, en 1972, à l’agrégation de lettres modernes. En 1976, il enseigne à l’université de Berkeley, au département de littérature française. En 1989, il devient professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique.

de g à dr, M.Desmoulin, président d'honneur, le président Fohlen Weill, Mme de Monicault, le président de l'AA-CHEAR M. Faure
de g à dr, M.Desmoulin, président d’honneur, le président Fohlen Weill, Mme de Monicault, le président de l’AA-CHEAR M. Faure

Le Président de la commission du prix Vauban a ensuite le choix et les motivations de la commission qu’il préside et commenté l’ouvrage récompensé. Dans une période où la langue française, la culture, ne sont plus transmis avec la même détermination que par le passé et où l’école ne semble plus être le premier lieu d’intégration, la réflexion conduite par M. Alain Finkielkraut est une contribution majeure au débat dont le pays ne peut faire l’économie. Il est urgent que tous les membres de notre société puissent se retrouver autour d’un socle commun. Face à une mondialisation qui prend parfois des allures de machine infernale, il semble important d’essayer de comprendre en quoi notre société peine à s’entendre sur ce qui peut constituer ce socle commun auquel chaque citoyen serait à même d’adhérer.

Avant L’Identité malheureuse, couronné par le prix Vauban, M. Finkielkraut a beaucoup écrit sur le déclin de la culture française menacée par le postmodernisme, la culture de masse, le jeunisme, le multiculturalisme, la perte de l’écrit. «  La Défaite de la pensée » (Gallimard, 1987), Le Mécontemporain (Gallimard, 1992), consacré à Charles Péguy ; ouvrage dans lequel l’auteur contestait une évolution qui, au nom du « progrès », tend à détruire l’artiste, l’idéaliste, l’homme cultivé. « Internet, l’inquiétante extase » (Mille et une nuits, 2001), dans lequel le philosophe affirmait « qu’à l’âge du réseau, les outils critiques et théoriques disparaissent au profit d’une dilution du réel, de la pensée et de la mémoire. » Enfin, « Qu’est-ce que la France ? » (Stock-2007), ouvrage dans lequel sa recherche sur l’identité française se précisait. Il jugeait déjà « la patrie charnelle » menacée.   Selon lui, pourquoi apprendre si un « clic » suffit pour accéder à la connaissance ? La « vidéo sphère » tend à remplacer l’écriture et le relativisme aplatit toute hiérarchie de valeurs.

M. Alain Finkielkraut pendant son discours de remerciement
M. Alain Finkielkraut pendant son discours de remerciement

L’Identité malheureuse (Stock. 2013), couronné par le prix Vauban a été critiqué, mais le livre est lu avec près de 100 000 exemplaires vendus.

Dans son discours de remerciement, M. Finkielkraut a rappelé sa propre expérience d’enfant, immigré polonais, dont le père avait été déporté, et qui a justement pu devenir un Français en en embrassant la culture française grâce à l’Ecole de la République. L’académicien est convaincu qu’il est indispensable d’accueillir dans de meilleures conditions les nouveaux arrivants au sein de la société française. Il admet que la culture française n’est pas figée, arrêtée dans le temps. Reprenant l’idée défendue par Anna Arendt dans « La crise de l’éducation » selon laquelle : il faut introduire les enfants – ce sont tous des nouveaux venus sur terre – dans un monde plus vieux qu’eux, ce qui leur permettra plus tard d’exercer leur capacité révolutionnaire pour commencer quelque chose de neuf. » Ce mouvement intellectuel n’exige nullement l’effacement de la culture d’origine de ceux qui viennent rejoindre la communauté française. Cela permet au contraire d’envisager les modalités d’une intégration réussie pour que nous conservions un fond commun qui nous unit, afin qu’indépendamment de l’intérêt et de la richesse des différentes cultures, nous partagions déjà celle qui nous a construit jusqu’alors. C’est la question de la mémoire, de l’héritage qu’il convient de confier à ces nouveaux français, comme un trésor. Une culture partagée, son vecteur qu’est l’école, une langue commune, la laïcité, conditions essentielles de notre compréhension réciproque et de ce « vivre ensemble » possible évoqué par Renan tout à la fois comme un plébiscite de tous les jours et comme la transmission d’un héritage, et tout cela – comme l’exprime si bien une phrase de Levinas– pour que « la France soit encore une nation à laquelle on puisse s’attacher par le cœur aussi fortement que par ses racines ». L’histoire nous enseigne que notre culture et notre langue ont participé du rayonnement de la France à travers le monde. L’idée de la défense d’une culture et d’une langue qui soient un lien entre tous les français, quel que soit leurs origines ou leurs croyances, une culture qui reste ouverte sur le monde, une culture qui soit l’identité particulière de notre pays et qui puisse encore briller face aux autres cultures du monde répondait à l’esprit de défense promu par le Prix Vauban.

L’assistance, en écoutant le nouvel académicien, avait en mémoire les conditions dans lesquelles son élection à l’Académie Française, le jeudi 10 avril dernier, s’était déroulée. Les esprits étaient échauffés, huit bulletins avaient été barrés d’une croix en signe de désaveu et des qualificatifs, aussitôt démentis, avaient été proférés. L’écrivain Jean d’Ormesson avait un moment laissait dire que « Si Finkielkraut n’est pas élu jeudi, je ne mettrai plus les pieds à l’Académie. » L’historien de l’art Jean Clair, n’avait pas été en reste : « Quelques académiciens, comme Pierre Nora, Michel Déon, Max Gallo et même Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie, ont laissé entendre qu’ils soutenaient aussi Finkielkraut. Il faut dire qu’en écoutant ces critiques, nous doutions de la santé morale et mentale de nos confrères. »

Alain Finkielkraut
Alain Finkielkraut

Alain Finkielkraut avait alors sereinement commenté son élection : « Il est tout à fait normal d’avoir des opposants. Je regrette que cette opposition ait pris la forme d’une campagne politique et qu’on m’ait traité de réactionnaire. Parce que je ne vois pas au nom de quel progressisme je pourrais être classé au nom de la réaction (…) Il y a cinquante ans, soixante ans peut-être, on se serait offusqué dans certains cercles de l’Académie contre un enfant de juif polonais avec un nom à coucher dehors. Aujourd’hui, on me reproche mon identité nationale. »

Le lauréat du prix Vauban 2014, dans son discours, est revenu sur le débat télévisé animé qu’il avait eu au mois de février avec Manuel Valls. Le ministre de l’intérieur qu’il était, lui avait alors reproché son « absence de confiance dans ce pays ». Le philosophe avait osé dire « qu’il fallait aussi penser aux Français de souche » !

Le philosophe a enfin décoché quelques formules, dont il a le secret, pour s’en prendre à la bien-pensance, au « politiquement correct », aux dangers que représente internet : « la poubelle de toutes les informations », un univers où tout peut être dit, un monde sans foi ni loi.

En attendant d’entendre le prix Vauban 2014 prononcer, lors de sa réception sous la Coupole, l’éloge de Félicien Marceau, l’assistance a chaleureusement applaudi le discours d’Alain Finkielkraut. On dit le fauteuil 21 maudit ! En 1975, l’élection de Félicien Marceau avait déjà suscité la polémique. Exilé en France, Félicien Marceau avait été condamné par contumace à quinze ans de travaux forcés par le conseil de guerre de Bruxelles pour collaboration.

Alain Finkielkraut s’est dit très touché que la commission du prix Vauban de l’Association des Auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale ait décidé de lui décerner le prix Vauban pour sa contribution à l’esprit de défense.

 


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