Barack Obama a prononcé son dernier discours sur l’état de l’Union.


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Barack Obama a prononcé le mardi 12 janvier son dernier discours sur l’état de l’Union. Depuis son installation à la Maison blanche en janvier 2009, au moment où les États-Unis traversaient la plus grave crise économique depuis 1929, Barack Obama gouverne par la raison en évitant les coups de menton, les déclarations tonitruantes, les excès de langage de son prédécesseur. Intelligent, cultivé, modéré, il cherche en permanence le compromis, mais cette méthode de gouvernement peut parfois apparaître comme une forme de faiblesse dans une période où l’autoritarisme est à la mode.

Dans son discours, prononcé en pleine campagne présidentielle, M. Obama a tenu à exprimer son optimisme et sa confiance dans l’avenir.

 » Les États-Unis d’Amérique sont la nation la plus puissante du monde. Point final «  a été une des phrases les plus remarquées. Il y en a eu d’autres :  » Quand il y a une importante crise internationale, le monde ne se tourne pas vers Pékin ou Moscou, mais vers nous ». C’est exact, mais il n’en reste pas moins que la situation en Syrie et l’incapacité des États-Unis à faire avancer le règlement du conflit israélo-palestinien suscitent pour le moins critiques et déception.Obama dernier discours sur l'état de l'Union

Le prix Nobel de la paix en 2009 n’est jamais parvenu à concrétiser les espoirs placés en lui. Netanyahou, poussé par sa majorité, n’a cessé de défier le président des États-Unis et de pousser ses avantages. Avec plus de 400 000 colons installés en Cisjordanie, il n’est plus question de parvenir à un accord sur Jérusalem Est et sur le Mont du Temple/Al Aqsa. L’idée même de créer un État palestinien semble abandonnée. Les conséquences de cet état de fait sont inquiétantes. La fracture entre le Hamas à Gaza et l’OLP en Cisjordanie ne cesse de s’agrandir. Le président Obama n’est pas le seul responsable. Les administrations américaines successives ont été incapables de faire avancer le processus de paix. La radicalisation qui se généralise dans tous les États de la région n’épargne pas Israël.

Hilary Clinton, qui se prépare à arriver aux affaires, ne dit pas autre chose que Netanyahu : « Il est difficile d’envisager la possibilité d’un accord aussi longtemps que les Israéliens ne sauront pas ce qu’il va se passer en Syrie et si la Jordanie va rester stable. » Elle préconise tout au plus une « autonomie » plus grande aux Palestiniens et un maintien du contrôle sécuritaire de la Cisjordanie par Israël. Que se passerait-il si l’Autorité autonome s’effondrait ? Les Palestiniens sont de plus en plus pauvres et désespérés. 25 % vivent sous le seuil de pauvreté. 60 % des Gazaouis sont au chômage. 80 % des habitants de Gaza dépendent de l’aide financière des ONG internationales. La reconstruction des immeubles détruits lors de la guerre de juillet 2014 est en panne. Cette situation favorise la multiplication de cellules salafistes. « l’Intifada des couteaux », en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, est l’expression du désespoir, une expression dangereuse, suicidaire. En Cisjordanie, la situation n’est pas plus enviable. La colonisation se poursuit. La succession de Mahmoud Abbas sera compliquée. Un attentat plus grave que les autres peut à tout moment faire basculer une situation que les dirigeants israéliens et palestiniens ont bien du mal à maîtriser.

Quand M. Obama dit :  » Il en va de même pour la rhétorique selon laquelle nos ennemis seraient de plus en plus forts et l’Amérique de plus en plus faible », pour accréditer l’idée que « Les États-Unis d’Amérique sont la nation la plus puissante du monde », le président des États-Unis pratique un peu la méthode Coué ! La liste des erreurs, des analyses politiques erronées et des actions militaires imprudentes est longue. Les retraits d’Irak et d’Afghanistan ne peuvent être considérés comme des succès.

Les Américains ont peur comme tous les peuples dans les pays démocratiques. L’attentat à San Bernardino (Californie), le 2 décembre 2015, a amplifié l’inquiétude. C’est ce qui ressort nettement dans les sondages. Comme en France, l’action contre le terrorisme est jugée insuffisante. Les candidats républicains, notamment Donald Trump, sorte de Marine Le Pen, se chargent d’alimenter cette peur. Barack Obama tente de rassurer. À ceux qui assimilent la lutte contre l’organisation État islamique (EI) à une troisième guerre mondiale, il répond :  » Des grappes de combattants à l’arrière de pick-up et des esprits malades complotant dans des appartements ou des garages posent un énorme danger pour les civils et doivent être arrêtés. Mais ils ne représentent pas une menace existentielle pour notre nation. C’est ce que l’État islamique veut faire croire « .Obama lors du dernier discours sur l'état de l'Union

Il n’en reste pas moins que la situation est ce qu’elle est. L’Amérique donne l’impression de se replier sur elle-même et de ne plus rien contrôler. En d’autres temps, l’Arabie saoudite n’aurait pas pris le risque qu’elle vient de prendre avec les décapitations du 2 janvier. Les Saoudiens soupçonnent les Iraniens de vouloir dominer la région de la Syrie au Liban et de l’Irak au Yémen. Alain Frachon a raison d’écrire aujourd’hui dans le Monde que « La maison des Saoud est affolée ». Depuis la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, les Saoudiens se demandent si les Américains « ne caressent pas le sinistre dessein d’un changement d’alliance au Moyen-Orient ». Barack Obama laisse faire, se tait.

La passivité des États-Unis d’Amérique encourage ceux qui veulent pousser leurs avantages et constitue une des principales raisons du désordre mondial actuel. Les mises en garde de M. Obama (usage des armes chimiques en Syrie, poursuite de la colonisation israélienne) ne suffisent plus à freiner les ambitions régionales. Le comportement de Poutine en est l’illustration.

Toujours pour rassurer ses compatriotes, Barack Obama n’a pas tort de dire : » Celui qui assure que nous sommes économiquement en déclin colporte une fiction « . Il est exact que depuis qu’il est à la tête des États-Unis, l’économie américaine, notamment l’industrie automobile, s’est redressée avec le retour de la croissance et la création de près de 9 millions d’emplois en sept ans.

Les doutes de cet homme, qui pèse en permanence le pour et le contre, sont probablement trop subtils pour le peuple américain et le reste du monde, mais sa conception de la démocratie, sa vision de l’Amérique et du rôle des États-Unis, aux antipodes de celles des candidats républicains qui aspirent à lui succéder, place le monde au bord d’un basculement que le désordre peut à tout moment provoquer.

Dans quelques mois, quelques années, le monde, et en premier lieu les Américains, pourrait bien regretter cet homme si impopulaire dans son pays et si contesté pour ses positions jugées trop modérées.

 


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