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Agacé, choqué par l’hypermédiatisation de l’affaire  Mohamed Merah, j’ai attendu quelques jours avant d’écrire sur les drames de Toulouse et Montauban, offerts quotidiennement en spectacle sur les plateaux de télévision et dans la presse écrite.

Les deux derniers articles que j’avais mis en ligne avaient quelque chose de prémonitoire.  Du centre de détention, où il est retenu, Youssouf Fofana, le chef du « gang des barbares, est soupçonné d’avoir mis en ligne des vidéos dans lesquels il prend « des positions pénalement répréhensibles » ; en clair, il appelait à des actions terroristes. Quelques jours plus tard, j’évoquais l’événement ou le personnage qui pourrait apparaitre dans la campagne présidentielle « tel le Deus ex machina ».

En écrivant cet article, je dois à la vérité de reconnaitre que je pensais plus à un incident dans le détroit d’Ormuz, à la défaillance de l’Espagne dans la zone euro ou à l’incapacité physique dans laquelle se trouverait un candidat de poursuivre sa campagne, qu’à un fait divers, même de nature terroriste.

La tuerie de Toulouse, venant après celle de Montauban, replace brusquement au centre de la campagne, le débat sur la sécurité qui ne figurait pas dans les priorités des candidats. Avant Mohamed Merah, Khaled Kelkal, en 1995, et Youssouf Fofana, en 2006, avaient tristement fait parler d’eux. Ils étaient, comme lui, de jeunes délinquants, qui, après un séjour en prison, avaient découvert la violence et l’islamisme radical. Tout, tout de suite…

Comme ses deux prédécesseurs, Mohamed Merah a plongé la France dans l’horreur, dans l’inimaginable. Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Plus que le terrorisme, c’est le lourd problème des banlieues qui s’invite dans la campagne, avec le règne des caïds, le chômage, la drogue,  les mères abandonnées, l’échec scolaire et les discriminations qui poussent quelques uns, un très petit nombre, à des actions de désespoir. Si la gestion des événements a très vite été contestée, il ne faut pas s’en étonner. Tout a été fait, en temps réel, pour que la tragédie de Toulouse provoque des polémiques. Il est normal de s’interroger sur les raisons pour lesquelles il n’a pas été possible d’attraper vivant Mohamed Merah. Il est normal de se demander pourquoi Mohamed Merah n’était pas suivi avec plus de soin alors que sa participation éventuelle au réseau Al Qaïda était soupçonnée. Pourquoi, celui qui est qualifié aujourd’hui de  » loup solitaire « , de « tueur de masse », de « fou de Dieu », n’a pas fait l’objet d’un traitement particulier ? Il est normal de se poser toutes ces questions et bien d’autres, mais c’est l’affaire de ceux qui sont en charge de ces questions avec les contre-pouvoirs institutionnels évidemment : les autorités judiciaires, le contrôle parlementaire, des enquêtes administratives. Certainement pas avec des bavardages sur les plateaux de télévision, cette forme moderne du café du commerce. Il est loin le temps où un ministre de l’Intérieur disait : « J’ai souvent regretté d’avoir parlé, je n’ai jamais regretté de m’être tu » !

Le livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité avait particulièrement insisté sur l’importance du renseignement dans le domaine du terrorisme. Le rapport « Déceler, Etudier, Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique », de mars 2008, indiquait, en substance, que le décèlement précoce est un concept qui permet de repérer, d’écarter les apparences, de poser rapidement et efficacement des diagnostics, d’agir tôt et de prévenir avec précision et autorité. Le décèlement précoce permet d’intervenir sur les premiers symptômes d’un désordre à venir. « Aucune menace, violente ou insidieuse, pesant aujourd’hui sur notre pays et ses intérêts n’est vraiment aléatoire – hormis l’acte imparable d’un dément ». Le rapport avait tout prévu ! Le décèlement précoce permet d’identifier une menace, lorsqu’il est encore temps, avant tout passage à l’acte. « Et si un acte hostile est malgré tout commis, avoir posé à son sujet un diagnostic correct permettra d’éviter qu’il ne se reproduise. ».

Si, malgré cette sensibilisation et ces instructions, des « failles » ont existé, il faut les identifier et y remédier, dans la discrétion la plus totale pour être plus efficace. Le ministre des Affaires étrangères est dans son rôle quand il déclare qu’il faudra  » faire la clarté sur une éventuelle faille du renseignement ». Pourquoi Mohamed Merah n’a-t-il pas été davantage surveillé ? Le chercheur, François Heisbourg, n’est pas le seul à se demander pourquoi « un profil qui présente un tel niveau de dangerosité n’a pas été placé de façon permanente sur écoute, suivi physiquement et pourquoi on ne s’est pas assuré de l’endroit où il habitait, où il travaillait… »

L’enquête répondra peut être à ces questions légitimes. La DCRI est en effet chargée de « la lutte contre toutes les activités susceptibles de constituer une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Le contre-espionnage ; la lutte contre le terrorisme et la protection du patrimoine économique ; le contrôle des communications pouvant porter atteinte à « la sûreté de l’Etat » et la cybercriminalité ; la surveillance des individus et des groupes radicaux, constituent ses principales missions. Le regroupement des services découlait des conclusions du livre blanc.

La population a le droit de savoir, mais la pagaille et la cacophonie contribuent rarement à faire émerger la vérité. Les Français attendent des décisions, des mesures d’anticipation, rien de plus. Ils en ont assez de voir, chaque jour, le visage hilare de Mohamed Merah sur leur écran de télévision. D’autant plus qu’un sondage d’Ipsos – Logica Business Consulting pour France télévisions, Radio France et Le Monde réalisé les 23 et 24 mars, révèle que les tueries de Toulouse et Montauban, ne correspondent pas aux principales  préoccupations des Français. L’insécurité reste en effet au huitième rang, très loin derrière le pouvoir d’achat, le chômage, la croissance et le logement. Selon le sondage d’Ipsos, les Français sont même plus nombreux qu’au début du mois à juger que l’on parle trop de l’insécurité et de l’immigration. Les meurtres de Toulouse et de Montauban seraient, à ce jour, sans effet sur la campagne.

Alors, assez ! Les Français sont suffisamment informés et éduqués pour ne pas se laisser déstabiliser par les tentatives assez grossières d’instrumentalisation.

 

 


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