XXIe siècle – la révolution numérique


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C’est au pas de charge que les chercheurs de la Silicon Valley sont entrés dans le XXIe siècle. Des mots, acronymes, sigles, marques, qui n’existaient pas en 1999 ou n’étaient connus que dans le cercle très fermé des développeurs, sont apparus, au fil des années : Facebook, iPhone, Amazon, Twitter , blog, Métavers, Web 3.0, Cryptomonnaies, NFT, Blockchain, selfies, Google, Gmail, Google Maps, Google Earth, GPS, Skype, Zoom, YouTube, Cloud, Wikipédia et bien d’autres… La liste donne le tournis ! Il s’agit bien d’une Révolution !

Facebook, troisième site web le plus visité au monde après Google et YouTube, est un réseau social fondé en 2004 par Mark Zuckerberg. Plus de deux milliards d’utilisateurs. Capitalisation boursière : 366,61 milliards USD

Giorgia Méloni

Les fonctionnalités de l’iPhone, depuis 2007, ont changé le monde, comme l’automobile avait bouleversé les comportements, au tournant du XXe siècle. Il suffit de sortir dans la rue, de prendre le métro, le train, et d’observer le comportement des gens, le téléphone portable à la main, pour prendre la mesure du phénomène.  Avec son écran tactile et une interface simple pour avoir accès aux applications, l’iPhone a révolutionné le marché des téléphones portables et s’est imposé dans le monde entier avec l’ouverture des App store (la boutique d’applications d’Apple), dès 2008, au lancement de l’iPhone 3G. Ce n’était plus seulement un téléphone, c’était un véritable ordinateur, un couteau suisse. Pouvoir prendre des photos et recevoir des notifications, est devenu possible, en 2010, avec l’iPhone 4. Le selfie, la folie du selfie, n’avait pas été imaginé par les dirigeants d’Apple. L’application Snapchat (une société valorisée à 23 milliards de dollars), en a découlé, ainsi que FaceTime, un moyen de communication très utilisé pendant la pandémie mondiale de la Covid-19.

Sous la pression des concurrents, Apple a agrandi les écrans de l’iPhone 6 et du 6 Plus, qui sont devenus deux des appareils les plus vendus. L’iPhone X, sorti en 2017 a dégagé le bouton d’accueil et offert la reconnaissance faciale Face ID, une importante avancée. L’iPhone 11, en 2019, a eu son autonomie allongée, la batterie dure toute la journée, indispensable pour un ordinateur. En 2018, Apple a présenté la fonctionnalité Screen Time, qui permet de limiter le temps d’utilisation des applications et vous informe sur le temps que vous passez sur votre téléphone. L’iPhone 14 vient d’être mis en vente avec son nouveau capteur pour les photos selfie, mais sa principale nouveauté, c’est le prix, en sensible augmentation !

En 2010, l’iPhone ne détenait encore que 4 % du marché des téléphones portables. Apple, aujourd’hui, aurait vendu 2 milliards d’iPhone depuis 2007. Si vous tapez iPhone sur Google, vous obtiendrez 6 700 000.000 résultats !

Un entrepot Amazon

« Je veux fabriquer de très bons outils, avec la certitude dans mes tripes et dans mon cœur qu’ils serviront à quelque chose », avait confié Steve Jobs, le fondateur d’Apple, dans une interview en 1994. « Après ça, il suffit de se mettre en arrière et de s’écarter, et ces choses prennent leur propre envol. »

Google, créé en 1998, enregistre trois cents millions de requêtes par jour. Utilisé en plus de cent langues en 2004 et de cent cinquante en 2010. Google est le premier moteur de recherche sur Internet, que 80 % d’internautes américains et 93 % d’Européens utilisent régulièrement. En 2012, déjà, Google avait indexé plus de 30 000 milliards de documents et gère à peu plus de 3,5 milliards de requêtes de recherche quotidiennement.

Les réseaux sociaux personnels, comme Facebook, Snap, TikTok, Instagram, Twitter ou professionnels, comme LinkedIn, ainsi que les réseaux sociaux de messagerie instantanée, comme Messenger ou Whatsapp, ont, également, révolutionné la communication.

Les statistiques sont impressionnantes. Il y avait 10 millions de sites web en 2000, 100 millions en 2007, plus d’un milliard probablement aujourd’hui. Vingt-neuf ans après son entrée dans le domaine public, le web – à ne pas confondre avec Internet – est devenu incontournable, au point de révolutionner la vie des habitants de notre planète.

Pour prendre la mesure de cette révolution, il faut avoir en mémoire qu’en 1989, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire avait confié à des chercheurs le soin de développer un système permettant de faciliter les échanges entre les employés du CERN tout en améliorant l’organisation et la recherche des documents stockés dans l’internet. Tim Berners-Lee, un informaticien britannique inventa le World Wide Web (WWW) et trois technologies dont les acronymes nous sont aujourd’hui familiers : Uniform Ressource Locator (URL), Hypertext Markup Language (HTML) et Hypertext Transfer Protocol (HTTP). Le 30 avril 1993, le CERN renonça à ses droits d’auteur sur le World Wide Web, qui entra dans le domaine public et connut le développement que nous connaissons, avec notamment les premiers navigateurs tels que Internet Explorer en 1995.

Mark Zuckerberg.

En juillet dernier, une nouvelle étape dans la course pour diffuser l’Internet à haut débit sur toute la planète, à partir de l’espace, a été franchie. Le réseau de fibres ne permettant pas de connecter l’ensemble des territoires à Internet, l’idée est venue d’utiliser des satellites en orbite basse qui offrent l’avantage d’un débit très élevé et surtout, d’un temps de latence infime. C’est un défi stratégique avec le développement de la 5G, du Cloud et des applications qui, dans les transports, la finance, la défense et les objets connectés, demandent une instantanéité des réponses. L’opérateur français de satellites, Eutelsat, a annoncé avoir engagé des discussions pour l’acquisition du britannique OneWeb, qui, avec ses 648 satellites, disposera d’une couverture globale de la planète fin 2022. Si l’opération se concrétise, elle donnera naissance à un champion européen dans les constellations de télécommunications en orbite basse, situées entre 550 et 1 200 kilomètres de la terre, capables de rivaliser avec les projets américains Starlink (42 000 satellites) du fondateur de SpaceX Elon Musk ou Kuiper de Jeff Bezos, le président d’Amazon.

Révolution, parce que les progrès technologiques, depuis l’an 2000, ont abouti à un changement d’époque. Cette révolution donne le vertige quand elle dépasse la capacité de compréhension de l’homme de la rue. C’est le cas avec l’apparition dans les médias du métavers, un univers de réalité virtuelle, aussi séduisant, qu’inquiétant, qui s’appréhende avec un casque que Meta – nouveau nom de Facebook – s’est fixé pour objectif de construire. Avec l’arrivée du web3.0, le temps de l’Internet donne l’impression d’appartenir déjà à l’ancien monde. L’avatar de Mark Zuckerberg posant devant une tour Eiffel virtuelle, pour le lancement officiel d’Horizon Worlds, le métavers de Meta en France, a fait le buzz.

Pour ce qui est des cryptomonnaies et de la technologie blockchain, ce gigantesque livre de comptes numérique, les États, les institutions nationales et internationales sont dépassées. Ils ne savent ni taxer les transactions supersoniques du monde virtuel ni imposer un contrôle des flux monétaires dans un monde clos qui facilite le blanchiment d’argent qui transite par l’intermédiaire de sociétés écrans constituées avec des prête-noms. En 2024, on estime que le marché du métavers, qui n’est autre qu’une nouvelle façon de gagner de l’argent, représentera peut-être 13 milliards de dollars.

Le jeune philosophe Nathan Devers, dans son roman, Les Liens artificiels (Albin Michel), explore l’univers numérique. « J’étais seul, dans mon studio, avec quelques livres et un ordinateur », a-t-il raconté à Alexandre Devecchio, journaliste au Figaro. « Deux mois plus tard, je n’étais plus qu’une extension de mon écran : une souris avec un visage d’homme. Car, contrairement à ce que j’attendais, cette expérience ne correspondit absolument pas à un temps d’isolement. Je fus, comme nous tous, assailli par le monde extérieur. Flux d’information permanent, appels en vidéo, messages omniprésents, surchauffe des réseaux. À la différence des quarantaines de jadis, nous étions mentalement dehors sans sortir physiquement de chez nous. Affalés sur nos canapés, nous nous téléportions. Les distances s’abrogeaient et se rétrécissaient tout à la fois. Les smartphones nous reliaient à n’importe quel point du globe, mais nous ne pouvions dire bonjour aux voisins. Nous entrions dans la dernière étape de la mondialisation : celle qui se passe du monde. Nous faisions gentiment le deuil de deux expériences, pourtant opposées, celle de la solitude et de la société. Ensemble et séparés, chacun dans sa bulle et tous connectés, nous assistions à la plus formidable éclipse qu’on puisse imaginer, l’éclipse du réel. »

Dans son roman, Nathan Devers évoque aussi « la Grande démission ». « Son héros, Julien Libérat, s’émancipe de tout en s’asservissant. Sa liberté l’aliène et son usure l’affranchit. Au fil du roman, il déserte peu à peu le cadre de son existence. Il démissionne de tout, du travail, de l’amour, et même de sa ville. Cette « grande démission » est un phénomène indéniable : pour les pianistes comme Julien, pour les restaurateurs, pour tant d’autres travailleurs, jeunes ou moins jeunes, le réel ne fait plus de cadeau. (Un critère qui résume tout : la hausse de l’immobilier. Comme le narrateur le remarque à propos de Julien, « en tant que jeune ‘‘artiste’’, il ne pouvait s’installer décemment dans la capitale de son propre pays ». Comment une génération pourrait-elle s’approprier le monde dans un monde où la propriété est inaccessible ?

En soi, d’ailleurs, rien n’est plus romanesque que de démissionner. Le sentiment délicieux d’avoir coupé des liens qui nous serraient, d’envoyer valser les pierres du destin, de revenir à l’état de page blanche. Le tout est d’aller quelque part, n’importe où pourvu qu’on y bâtisse un autre commencement. Ma génération est confrontée, je crois, à ce dilemme dont nous ne maîtrisons pas tous les paramètres : démissionner de quoi ? De nos servitudes ou de nos libertés ? Des entraves ou du désir, de l’énergie de vivre ? »

Sur le phénomène metavers, Nathan Devers écrit ceci : « Quand, dans cent ans, les historiens se pencheront sur les figures qui ont marqué notre siècle, ils noteront qu’il y avait, dans la Silicon Valley, des drôles de types, mélanges de golden-boys et de mécènes toscans qui, prenant exemple sur Léonard de Vinci autant que sur Bill Gates, ont rêvé de déclencher une nouvelle Renaissance : ils s’appelaient Zuckerberg ou Musk, et aspiraient à dépasser la condition humaine. L’un partait à l’attaque de Mars ou du cerveau artificiel. L’autre, plus mégalomane encore, projetait d’imiter Dieu : de créer un nouvel univers. Son projet de métavers, s’il réussit, peut avoir autant d’importance, pour la postérité, que la découverte de l’Amérique ou la mission d’Apollo 11. Il s’agit, ni plus ni moins, que de déplacer l’existence vers une autre dimension. Celle du virtuel. Des avatars qui se téléportent d’une oasis à l’autre. Des morts qu’on ressuscite sous forme d’hologrammes. Du temps qu’on traverse dans toutes les directions. Qu’on le veuille ou non, ce sont eux, les transformateurs du monde. Ce sont eux, les fous de notre époque. Ses voyants, sinon ses alchimistes. »

Dans les 21 questions que posait « L’Avenir », le numéro de collection consacré au XXIe siècle, conçu par les rédactions du Monde et de France Info, fin 1999, Erik Izraelewicz et Sylvain Cypel s’interrogeaient sur l’avenir de la démocratie, dès lors que la technologie avance beaucoup plus vite que la société et la culture. « Les fondements de la démocratie ont-ils une chance de survivre, dans un monde où le numérique favorise l’individu sur le groupe et les petites communautés thématiques sur les grandes institutions. La montée en puissance des réseaux, déstabilisant les élites et modifiant le mode d’identification des individus, pousse inexorablement à une passation de pouvoir des organisations (États, partis, syndicats et même entreprises) vers les individus et les petits groupes, vecteurs de l’innovation. L’avènement d’un ordre dans lequel la connaissance, et non plus le travail, les matières premières ou le capital, constituera la ressource clé ». L’explosion de l’e-commerce en est l’illustration, les cryptomonnaies, également, dans un monde sans frontières, dans lequel émergera une nouvelle classe dominante, les détenteurs du savoir, une hyperclasse d’ « intrapreneurs », comme les appelle Jacques Attali. »

Le journaliste citait le futurologue Arthur Clark qui annonçait la disparition de la monnaie pour 2016 (Courrier International du 28 octobre). Sans monnaie, sans contrôle des flux financiers virtuels, sans territoire d’intervention délimité, l’État et la vieille démocratie ne peuvent que dépérir, au profit d’un subtil équilibre de communautés en perpétuelle interaction. L’hypercitoyen apparaissait déjà comme l’homme le plus éduqué, le plus ouvert à l’innovation. Le mieux à même d’agir dans un espace où la rapidité d’intervention devient la carte maîtresse. Des communautés imposeront ainsi leur volonté à l’État, dans une sorte de « démocratie directe », jamais connue depuis celle d’Athènes. » Internet s’avérant un formidable outil de promotion de la liberté d’expression, de l’accès du plus grand nombre à l’information et du contrôle des élites. Pas plus que l’État nation, partis et élections n’auront de place dans un tel système. Plus besoin d’élections, ni de services publics : experts reconnus de tous et comités d’éthique géreront bien mieux le quotidien que les vieux ministères omnipotents. »

Leurs réflexions, et celles des experts interrogés, ont pu faire sourire, en 1999. Elles se sont en partie réalisées. « Une hyperclasse émerge. 51 des 100 premières économies mondiales n’étaient déjà pas des États mais des entreprises. Pourquoi voter, puisque ce sont les maîtres des réseaux qui dirigent le monde ? La désaffection pour la démocratie représentative s’est accélérée. La pandémie a confirmé la puissance d’organismes autodésignés sur lesquels les élus n’ont aucun contrôle, formés d’experts aux prétentions hégémoniques parce que seuls à même de suivre le rythme effréné des évolutions technologiques. Un cybermonde, dominé par une hyperclasse d’hommes toujours plus intelligents, où l’activité l’emporte sur la relation humaine, l’expert sur le politique, le savoir sur la justice, le centre commercial sur le centre-ville, le virtuel sur le réel, est en cours de construction. »

Le monde meilleur, le village global où tout le monde se retrouverait à égalité – les hommes et les femmes, les Noirs et les Blancs, les Africains et les Européens, que Bill Gates promettait-il y a trente ans, n’est pas au rendez-vous ! Il faut toujours se méfier de ceux qui promettent un monde meilleur ! Internet et les biotechnologies n’ont pas permis d’éradiquer la pauvreté,

Avec la révolution de l’information, la planète est entrée dans une nouvelle période, mais comme le craignait le philosophe Alain Finkielkraut, la révolution a provoqué l’émergence d’une élite déconnectée du reste de l’humanité et d’une nouvelle fracture, parce que l’éducation, déterminante, ne suit pas et fragmente même la classe moyenne. Il faut tout de même avoir en tête qu’il y avait, au début de l’an 2000, 330 millions de personnes connectées dans le monde dont 150 rien qu’aux États-Unis. Il y en aurait aujourd’hui un peu plus de 5 milliards.

L’Homme qui n’appartiendra pas à l’hyperclasse, qui ne maîtrisera pas les savoirs technologiques les plus sophistiqués, résistera-t-il au vertige numérique, à internet ? Sera-t-il capable de faire son retour, de maîtriser suffisamment la technologie, de redonner sa place à la politique et à la démocratie représentative ? » Telle est la question qui se pose plus encore qu’en 1999, vingt-deux ans après le début du XXIe siècle.

Qu’adviendra-t-il des libertés au XXIe siècle ?

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » (Paul Valéry)


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