Union pour la Méditerranée : le compromis de Hanovre


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« Nous sommes convenus qu’en ce qui concerne la coopération entre l’Union européenne et la Méditerranée, nous voulions faire évoluer le processus de Barcelone et lui donner une nouvelle dimension. Cela s’appellera Union pour la Méditerranée, ce sera un projet des 27 Etats membres de l’Union européenne. Nous devons en parler avec les autres Etats membres pour ne pas placer tout le monde devant le fait accompli. La France et l’Allemagne sont des pays importants mais ce ne sont que 2 pays sur 27 et il faut naturellement en parler aussi avec les Etats riverains de la Méditerranée. Mais il y aura une évolution qualitative si les choses se passent comme nous le souhaitons et ce sera un projet des 27 Etats membres de l’Union. »
Pour comprendre les propos tenus par la Chancelière allemande, Angela Merkel, après son diner de travail, à Hanovre, avec le président français, il faut tout d’abord relire le discours que le candidat Nicolas Sarkozy avait prononcé à Toulon le 7 février 2007. Par delà le lyrisme qu’inspire la Méditerranée et le volontarisme d’un candidat en campagne, il y avait, dans ce discours, un des principaux projets du futur Président, tous les ingrédients d’une brouille probable avec les Allemands.
Rappelons le contexte : La France, après le NON au projet de Constitution européenne, a perdu une grande partie de son poids dans les Institutions européennes. L’immigration et le terrorisme inquiètent de plus en plus la population. Nicolas Sarkozy s’est prononcé contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Enfin, le Processus de Barcelone, lancé en 1995, est en panne. Le candidat, et ses conseillers, sautent sur l’idée de créer une Union Méditerranéenne susceptible d’apporter des solutions à tous ces problèmes. Dans l’euphorie de la campagne, et avec le souci d’être crédible, Nicolas Sarkozy détaille son projet comme si sa réalisation ne dépendait que de lui. Il imagine l’entrée de la Turquie dans cette nouvelle Institution, envisage la réunion périodique des chefs d’Etat et de gouvernements des pays concernés, un Conseil de la Méditerranée comme l’Europe a le Conseil de l’Europe, la création d’une banque méditerranéenne d’investissement sur le modèle de la banque européenne d’investissement, évoque pour la première fois, qui est passée inaperçue, une politique de civilisation et esquisse au passage la nouvelle politique arabe de la France. Enfin, il n’hésite pas à dire que cette Union Méditerranéenne aura vocation à travailler étroitement avec l’Union Européenne.
Pour la chancelière allemande, ce projet est impensable. Elu, le président Sarkozy entreprend, sur ce thème, une tournée dans le Maghreb, mobilise ses homologues espagnol, italien, désigne un diplomate, Alain Le Roy, pour piloter le projet, et reçoit même Kadhafi, le bikbachi, avec des honneurs que ce projet justifie en grande partie, car pour réaliser cette Union Méditerranéenne, il faudra beaucoup d’argent.
En dehors des « bonnes raisons » qu’a Nicolas Sarkozy de lancer ce projet très ambitieux, il est indéniable que le Processus de Barcelone, qui a la même ambition, est en panne. Les raisons de cette panne sont connues : la priorité donnée à l’ouverture de l’Europe vers l’est, le conflit israélo-palestinien, l’absence de coopération entre les pays du sud de la Méditerranée, l’agriculture absente du Processus de Barcelone et des malentendus auxquels il n’a jamais été possible de remédier. Le Cercle des économistes, longtemps avant le discours de Toulon, et encouragé par le président Jacques Chirac, avait beaucoup travaillé sur cette question. A la fin de l’année 2007, ce Cercle, avec la collaboration d’Hubert Védrine, a publié chez Perrin un ouvrage original sous le titre : « 5+5=32, une feuille de route pour une Union Méditerranéenne.
Les mois ont passé ; les commentateurs s’accordaient pour considérer que le projet de Nicolas Sarkozy minait les relations franco-allemandes malgré le consensus qui a permis de sortir l’Europe de l’ornière. Le gouvernement allemand voit dans l’idée d’une Union Méditerranéenne, un risque de division de l’Union Européenne qui n’est pas supportable. Les commentaires de la presse allemande, les rencontres annulées, ont, malgré les démentis, accrédité l’idée d’un désaccord grave et profond sur cette question. Certains ont même affirmé que le projet était abandonné.
Hubert Védrine, qui sur ce sujet, comme sur quelques autres, est un sage qu’il faut toujours écouter avec la plus grande attention, rappelait il y a quelques jours qu’un compromis s’impose pour ne pas réitérer les erreurs du passé. Combiner coopération renforcée (ceux des 27 qui sont intéressés) et partenariat avec le sud pour ne pas faire de l’assistanat, est certainement difficile mais doit être tenté. Il mettait en garde : « Les annonces spectaculaires, les effets de style, les prétendues nouveautés, ne durent pas. Il faut du temps, de la patience, une vision claire de l’objectif à atteindre et une stratégie fondée sur des analyses justes. » L’Europe s’est construite avec cette méthode, la méthode Monnet, des petits pas. Le président Sarkozy, avocat, excelle dans l’art de demander beaucoup pour ensuite accepter un compromis qui a le mérite de faire avancer les idées et avoir ainsi ce qu’il n’aurait sans doute pas obtenu autrement.
Il faut maintenant souhaiter que le compromis de Hanovre ouvre la voie à des projets précis, concrets et à une très grande volonté commune d’Union pour la Méditerranée même si elle est un peu différente de l’Union Méditerranéenne.


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