Sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN


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Obsédés, à juste titre, par la crise et ses conséquences : montée du chômage, vulnérabilité de l’épargne, pouvoir d’achat, avenir des enfants, entre autres, les Français ne se passionnent pas pour le projet du chef de l’Etat de mettre fin au statut particulier de la France au sein de l’OTAN.
Il faut dire que si les Français comprennent les menaces qui pèsent sur leur avenir, ils ne vivent pas au quotidien avec un sentiment d’insécurité qui nécessite de revenir très vite, sans trop réfléchir, sur une décision du général de Gaulle, en 1966, considérée, depuis plus de quarante ans, comme fondatrice de la politique internationale de la France.
Ils savent que ce qui nous menace relève plus de la sécurité intérieure que d’ennemis déclarés. Personne ne conteste que, malgré quelques divergences, notre intérêt est de demeurer l’allié des Etats-Unis. Nous avons une vision stratégique commune, nous partageons les mêmes valeurs, mais il est vrai que les Français supportent moins bien que leurs voisins, l’unilatéralisme américain et son hégémonisme dans la conduite de l’Alliance.
Alors, de quoi s’agit-il ? Pourquoi Nicolas Sarkozy veut-il absolument que la France reprenne sa place dans la structure militaire intégrée de l’Alliance atlantique ?
L’ONU n’étant pas en mesure d’assurer la paix dans le monde en raison des vétos systématiques de l’Union soviétique, douze pays occidentaux signèrent, le 4 avril 1949, il y a soixante ans, le traité de Washington, qui, dans son article 5, prévoit, en cas d’agression, la solidarité de ces pays. En 1966, le général de Gaulle, dénonçant le « protectorat américain », décida, avec une audace inimaginable aujourd’hui , de retirer les forces françaises de l’organisation militaire de l’OTAN et obligea les Américains à quitter le territoire français.
La France, indépendante sur le plan nucléaire, n’a pas pour autant quitter l’OTAN contrairement à ce que l’on entend parfois. Au fil des années la France a coopéré, de plus en plus étroitement, avec l’organisation militaire. Mais cette indépendance, cette situation particulière, ont contribué à consolider l’influence de la France dans le monde. Ce qu’elle dit est écouté, on l’a vu au moment de l’engagement militaire en Irak. La France n’est pas automatiquement alignée sur les positions américaines.
L’OTAN est une organisation militaire conçue pour la guerre froide. Elargie maintenant à 26 membres, cette organisation est inadaptée aux menaces actuelles et traverse une crise d’identité que les difficultés rencontrées en Afghanistan, après le Kosovo, ont accentué. Dans le même temps, l’Europe ne parvient pas, malgré le poids démographique et économique qu’elle représente, à se doter d’une défense autonome digne de ce nom.
Nicolas Sarkozy, et ses conseillers, après les tentatives de ses deux prédécesseurs, sont convaincus que le retour de la France dans l’organisation militaire débloquerait la situation et permettrait, en accord avec les Américains, la construction d’une véritable défense européenne. La réunion qui s’est tenue récemment à Munich, en présence du vice-président, Joe Biden, a encore renforcé cette conviction. Le discours très ouvert de celui-ci, allant jusqu’à évoquer l’intégration de la Russie dans un futur cadre de sécurité européen, encourage le Chef d’Etat français à progresser dans cette voie qui s’accompagnerait d’une meilleure concertation avec les Allemands et avec les Anglais.
Seulement voilà, pour que le sommet qui se tiendra à Strasbourg et à Kehl, au début du mois d’avril prochain, ne soit pas un marché de dupes, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Hubert Védrine, dans le rapport qu’il a remis au président de la République, l’a très bien exprimé. Le ralliement de la France ne doit pas être sans contrepartie. La perte d’influence de la France, inévitable, doit être compensée par la reconnaissance préalable de l’autonomie d’un pilier européen et la redéfinition de la stratégie de l’OTAN.
En clair, il faut que, pour la France, le gain obtenu, soit supérieur à la perte de son influence dans le monde. Il se peut que l’élection de Barack Obama change la donne et que ces conditions puissent être maintenant réunies, mais ce n’est pas certain tant l’engagement en Afghanistan peut, avec le temps, modifier les bonnes intentions.
Les partisans de la réintégration, qualifiés d’atlantistes, semblent n’avoir aucun doute sur le bien fondé de leur stratégie. Pourtant le risque n’est pas nul de se trouver entrainé dans une alliance rénovée, d’une nature nouvelle, qui modifierait considérablement l’image de la France et lui ferait perdre ce rôle de médiateur que le monde lui reconnaît.
Si les Britanniques ne s’engagent pas franchement dans une défense européenne autonome, si les Européens s’avèrent incapables de mobiliser les moyens nécessaires et de parler d’une seule voix dans ce domaine, le pari de Nicolas Sarkozy sera vite perdu.
Les détracteurs, centristes, socialistes et gaullistes orthodoxes, sont sceptiques, c’est le moins que l’on puisse dire. Ils réclament un débat stratégique, des garanties, une clarification qui précédent, et non le contraire, la réintégration de la France dans le commandement intégré que le chef de l’Etat français a bien l’intention d’annoncer les 3 et 4 avril, lors du soixantième anniversaire de l’Alliance.
Si ce retour ne s’inscrit pas dans un projet européen ambitieux et se traduit seulement par une augmentation des moyens que les Américains réclament et une perte d’influence, le pari sera perdu pour la France, pour l’Europe et, sans doute, pour l’équilibre du monde.


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