SORGES, capitale de la truffe, a célébré le centenaire de la publication du « Manuel de trufficulture » du docteur Louis Pradel.


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En 1914, le Dr Louis Pradel, mon arrière-grand-père, éprouva le besoin de réunir dans un ouvrage de vulgarisation l’expérience qu’il avait de la culture de la truffe. Médecin de campagne, comme son père et son grand-père, le Dr. Pradel était, comme ses parents, passionné par cet étrange tubercule entouré de tant de mystères. Né en 1850, aux Dugassoux, la propriété familiale située dans la commune de Sorges, il observa et chercha à comprendre l’origine de ce champignon, les conditions requises pour obtenir une production de qualité, l’influence de l’environnement, du climat, de l’exposition, l’aptitude des diverses essences d’arbres, mais aussi, et peut-être surtout, l’importance du reboisement par la plantation de chênes truffiers. Il avait un constant souci du bien commun et de l’intérêt général. Transmettre son savoir a été un des buts de sa vie.

Le Dr Louis Pradel
Le Dr Louis Pradel

Scientifique de formation, il possédait les bases nécessaires pour comprendre et expliquer comment il fallait préparer le sol, faire des semis, sélectionner les plants, choisir les glands, quand et comment ensemencer, à quelle époque planter, élaguer, comment entretenir les truffières. Son « manuel de trufficulture » est un ouvrage fondateur qui fait encore autorité aujourd’hui, cent ans après sa publication. Prosélyte, philanthrope, généreux, le Dr. Pradel ne se contentait pas de garder son petit tas de secrets, de garder pour lui le fruit de ses observations et de ses recherches. Dans son manuel, mais aussi dans tous les articles qui lui furent demandés, il prodigua des conseils, des trucs, des astuces pour améliorer quantitativement et qualitativement la production de truffe. Sur cette réflexion déjà ancienne, il écrit ceci, au début de son ouvrage : « Depuis de longues années, je me suis attaché à traiter la question en de nombreux articles insérés dans maintes publications scientifiques et autres. Dans une brochure dont l’édition est pour ainsi dire épuisée et que j’avais fait paraitre en collaboration avec le Dr Boyer, préparateur du cours de botanique à la Faculté des Sciences de Bordeaux, les données essentielles de la culture du chêne truffier avaient été exposées et présentées au point de vue pratique. Entre temps, j’avais cru devoir prendre part (et ce fut avec succès) à plusieurs expositions internationales, m’évertuant toujours à faire connaitre notre chêne noir truffier du Périgord en même temps que ses produits si parfaits et si renommés dans le monde entier.

manuel de trufficulture de Louis PradelLe docteur Louis Pradel, ambassadeur de Sorges, l’idée fera son chemin…

La commune de Sorges, aux portes de Périgueux, est, avec ses 17 hameaux répartis sur plus de 47 km2, la capitale de la truffe, le lieu historique de la naissance de la trufficulture au XIXe siècle. Comme l’a écrit son excellent maire, Jean-Jacques Ratier : « Tous les Sorgeais sont concernés par la truffe, symbole de l’identité de la commune ». Dans la collection « Villes et villages du Périgord » (Editions Couleurs Périgords – 5 €), la brochure « A la découverte de Sorges », rappelle que « Traversée par des centaines de pèlerins chaque année, Sorges se situe sur l’un des principaux chemins vers Saint-Jacques-de-Compostelle ». « Au XIXe siècle, Sorges était avant tout une terre viticole et la moitié de sa surface était occupée par des vignes d’un très bon rendement. Chais et cuviers témoignent encore de cette époque dans de nombreuses propriétés et on raconte que le « vin des coteaux de Sorges » plaisait beaucoup à Henri de Navarre, futur Henri IV… » Mais vers 1870, le phylloxera ayant ravagé un vignoble de près de 2 000 hectares, la commune s’est alors concentrée sur la trufficulture dont les premiers succès avaient été observés. Car c’est bien à Sorges qu’au XIXe siècle la truffe est passée du statut de champignon sauvage à celui de véritable produit de culture ; de nombreuses familles se sont donc mises à planter des chênes truffiers là où elles avaient arraché les pieds de vigne. (…) La truffe a donné un nouvel essor au village et même si aujourd’hui les quantités ne sont plus aussi importantes, elle reste reconnue pour sa qualité et sa finesse gustative conservant à Sorges, en tant que berceau de la trufficulture, sa position de capitale incontestée. »

La recherche des truffes
La recherche des truffes

Mon arrière-grand-père fut aussi un visionnaire. Les premiers mots de l’introduction de son manuel apparaissent aujourd’hui prophétiques : « Actuellement, la marche envahissante du déboisement des montagnes est l’objet des préoccupations de tous. Chaque jour voit tomber, sous la hache du bûcheron, les plus beaux arbres de nos forêts et la dévastation des bois s’étend à des régions entières. De toutes parts on s’inquiète et on prévoit le jour où les plus graves dangers seront à redouter. Coteaux et montagnes apparaitront dénudés et sans défense vis-à-vis des eaux qui, n’étant plus contenues, deviendront torrents entraînant tout sur leur passage. Des villes entières seront submergées et leurs habitants auront à subir d’effroyables désastres. Il est urgent de faire le nécessaire pour prévenir des cataclysmes possibles (…) L’œuvre à accomplir est considérable et exigera le concours de tous. Telles sont les considérations qui m’ont suggéré l’idée de préconiser les plantations de chênes truffiers, comme un des divers moyens aptes à contribuer dans une certaine mesure au reboisement (…) De ces diverses considérations il résulte que le boisement et la création de truffières constituent les deux termes du problème à résoudre et dont la solution est telle : L’aménagement des sols incultes d’une part, et la culture de l’arbre fruitier de l’autre. Ils se complètent et se pénètrent à tel point que le but à atteindre peut être défini par la formule : « La trufficulture par le reboisement, le reboisement par la trufficulture. »

Henri Dessolas
Henri Dessolas

Au lendemain de la première guerre mondiale, l’agriculture avait changé, la production truffière, qui avait pourtant été si abondante, n’était plus une priorité. Les truffières dépérirent jusqu’à disparaître dans de nombreuses exploitations. Aujourd’hui, de jeunes trufficulteurs relancent la production d’un produit très demandé dans le monde entier. Le Périgord se mobilise et redécouvre les précieux conseils du docteur Pradel. Un trufficulteur et sylviculteur passionné, intarissable sur la truffe du Périgord, Henri Dessolas, a eu l’heureuse initiative, en 2007, de rééditer et d’actualiser « le manuel de trufficulture » du docteur Pradel avec le concours de deux chercheurs de l’I.N.R.A., Gérard Chevalier et Jean Claude Pargney.


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