« Si nous voulons que tout demeure en l’état, il faut que tout change ! »


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Sous ce titre, je craignais, dans un billet en date du 8 février dernier, que le propos cynique de Tancrède dans le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Le Guépard », trouve encore une fois son application. Je craignais notamment que des mesures de régulation à minima, accompagnées d’un gonflement de l’endettement des Etats, d’une reprise molle, ne fassent que retarder encore une fois la nécessaire remise en ordre du système économique dans lequel nous vivons.
Ou en sommes-nous cinq mois après ?
Pour sortir le plus rapidement possible d’une crise économique aussi grave, tout le monde s’accorda sur un point : il fallait avant tout restaurer la confiance. Les politiques s’y emploient avec le pouvoir de conviction qui est le leur. Les banques centrales, y compris Jean-Claude Trichet, mettent tout leurs poids, et leurs liquidités…, dans la balance.
Seulement voilà, est-ce qu’il n’y aurait pas, entre cette ardente obligation d’optimisme et la réalité, un fossé trop difficile à combler ? En proclamant prématurément, c’est-à-dire avant des preuves tangibles de reprise, que le risque de dépression est derrière nous et que la récession est sous contrôle, le risque est grand de voir les mauvaises habitudes revenir au galop. Déjà, certains banquiers, dont la responsabilité est aussi limitée que la forme juridique de leur société, recommencent à se comporter de façon trop risquée. En augmentant, par exemple, le salaire de leurs gestionnaires, ils affichent un cynisme indécent, alors que leur capital est fragile et en grande partie constitué de dettes. Les mesures destinées à réformer la régulation ne seront pas suffisantes. La pratique des instruments hors bilan, des produits dérivés, conçus pour détourner la régulation, n’a pas cessé et ne cessera pas. Certains pensent même que l’exposition au risque est encore plus grande aujourd’hui qu’avant la crise. Les stress tests auxquels sont soumises les banques américaines n’ont convaincu personne. Les banques ont encore un nombre de produits toxiques très préoccupant pour une capacité de résilience insuffisante.
« Nous fûmes les guépards, les lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et les hyènes…et tous, guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre ». La réflexion du Prince Salina n’a pas pris une ride.
Qui croire ? La récession va s’achever en V, en U, en W ou en L. Il y aura sans doute tous les cas de figure mais la probabilité est grande que l’Europe, dans son ensemble, ait une reprise en L, si on peut appeler cela une reprise.
Qui croire ? Michel Rocard a-t-il raison d’écrire dans le Monde daté d’aujourd’hui, que « En votant partout conservateur, pour les forces qui nous ont amenés à la crise, les électeurs européens ont montré leur attachement au modèle du capitalisme financiarisé ? » La mondialisation a incontestablement amplifié la crise et toutes les conditions semblent réunies pour que les périodes haussières, poussées par la spéculation, continuent à précéder des phases de correction qui compliquent la gestion des entreprises et notamment les investissements nécessaires.
Qui croire ? Ceux qui conseillent le Chef de l’Etat, qui affirment que : « Chaque fois que l’on fait la politique de la rigueur, on s’est retrouvé à la sortie avec moins de croissance, plus d’impôts, plus de déficits, plus de dépenses », ou ceux qui ironisent en rappelant que « si les déficits et la dette créaient dans notre pays, de la croissance et permettaient de lutter contre le chômage, on le saurait depuis longtemps ! »
Qui croire ? Les Allemands, qui privilégient l’équilibre budgétaire et, en pleine crise, inscrivent dans leur Constitution l’obligation pour leurs gouvernants d’avoir un budget en équilibre en 2020, ou la France qui met le déficit et le poids de la dette entre parenthèse, avec le risque d’inflation que ce choix comporte.
Ce qui est certain, c’est que l’aspect le plus grave de la crise, celui qui met en péril la cohésion sociale, c’est la dégradation du marché du travail. N’en déplaise à Tancrède, tout ne pourra demeurer en l’état. Tôt ou tard, des changements beaucoup plus profonds s’imposeront.


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