« N’oublions pas demain »


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Je ne suis pas sûr que Nicolas Sarkozy ait été bien compris quand il a prôné les vertus du travail, pendant la campagne. L’amélioration du pouvoir d’achat, le pouvoir de consommer, la revalorisation des salaires, la production intérieure brute, n’étaient pas ses seules préoccupations. Le travail a d’autres vertus que la religion et le rationalisme ont su glorifier tout au long des siècles. La morale judéo-chrétienne, comme la laïcité des « hussards de la République », savaient donner un sens à la vie. Aujourd’hui, c’est ce sens qui part à la dérive et c’est bien qu’un jeune chef d’Etat ait le courage, car il en faut, de prendre l’air du temps à contre courant.
Le professeur Maurice Tubiana, dans ses Mémoires qu’il vient de publier sous le titre : « N’oublions pas demain », raconte son étonnement quand un jour, un de ses jeunes collègues, qui cherchait une ville où s’installer, lui avait dit : « Dans le choix que je vais faire, j’accorderai une importance essentielle à la qualité de vie. » Le professeur avait compris « qu’il voulait être près d’une station de ski ou d’une plage ». Il ajoute « qu’il y a trente ans, on choisissait la ville en fonction de l’intérêt du travail et non de l’agrément des loisirs. »
Je recommande vivement la lecture de ce livre d’un grand scientifique, humaniste, qui se déclare « hanté par l’opposition entre les conditions matérielles de vie de plus en plus confortables, une santé, une longévité, qui s’améliorent sans cesse dans les pays industrialisés, et un pessimisme croissant qui va jusqu’à nier le progrès. » Ce recroquevillement sur le présent, ce sentiment de déclin, cette peur de l’avenir, sont à l’origine de sa décision, à 87 ans, d’écrire sa foi dans l’avenir et sa conviction que « l’homme peut orienter son destin ».
Le professeur Tubiana a épousé, en 1953, la fille d’un médecin de Cahors, parent éloigné de ma belle-famille. J’ai donc souvent entendu parlé de cet homme brillant dont j’ai suivi le parcours, les écrits, les combats, avec beaucoup d’intérêt. Les hasards de la vie m’avaient même offert la chance de le rencontrer un jour de 1963, alors qu’il faisait l’acquisition d’un emplacement pour sa voiture, dans un immeuble du 16ème arrondissement, avenue Bugeaud. Il n’était pas aussi connu, mais je savais déjà qui il était et ce qu’il faisait.
La lecture de ce livre est à rapprocher d’un excellent article, publié par le Figaro du 7 juillet, écrit par un professeur agrégé d’histoire, Corine Bouteille, et d’un colonel de l’armée de terre, Philippe Pontiès, tous deux auditeurs de la 58ème session de l’Institut des hautes études de défense nationale, l’IHEDN, qui m’est si cher et dont j’ai l’honneur d’être un ancien président très actif. Eux aussi, à leur façon, se préoccupent de l’avenir. C’est bien que de jeunes auditeurs de l’IHEDN, issus de deux mondes si différents, que sont la Défense et l’Education, se préoccupent de l’avenir et prennent le relais de ceux qui, comme mes amis, les présidents Quinio et Savelli, ont consacré tant de temps, ces vingt dernières années, à sensibiliser les enseignants aux questions de défense, au sein des « Trinômes académiques ».
Le « papier » de ces deux jeunes auditeurs est excellent car il pose les bonnes questions : « Comment sensibiliser les générations montantes au bien commun à préserver, aux enjeux du monde contemporain et aux réponses qu’ils appellent. Comment donner un sens au projet qui lie les membres d’une communauté de plus en plus métissée, dans ses deux dimensions nationale et européenne ? Comment favoriser les regards croisés de nos enfants sur le passé, les défis du présent et les enjeux d’un avenir qu’il leur appartient de construire.. » Dans leur conclusion, ils soulignent que « l’heure est enfin à des coopérations pédagogiques poussées entre la Défense, l’Education nationale et les mouvements associatifs attachés à la promotion de la jeunesse, de la mémoire, de la culture et du développement…L’esprit de défense reste un enjeu de citoyenneté.. »
Ils ont raison, « n’oublions pas demain ».


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