L’esprit européen soufflait sur la Ryder Cup


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« Europe, Europe ! » scandaient des milliers de supporters de nombreux pays en brandissant des drapeaux bleus étoilés pendant la Ryder Cup, cette compétition qui oppose tous les deux ans une sélection de joueurs européens à celle des États-Unis. Pendant que je regardais les exploits des joueurs de golf sélectionnés pour représenter l’Europe à la Ryder Cup, mon esprit vagabondait.

Comment ne pas penser à Paul Valéry qui, le 15 novembre 1922, à Zürich, avait si bien défini « l’esprit européen ». « Il existe, disait-il, une région du globe qui se distingue profondément de toutes les autres au point de vue humain. Dans l’ordre de la puissance et dans l’ordre de la connaissance précise, l’Europe pèse encore aujourd’hui beaucoup plus que le reste du globe. Je me trompe, ce n’est pas l’Europe qui l’emporte, c’est l’esprit européen dont l’Amérique est une création formidable […] L’Homo Europoeus n’est pas défini par la race, ni par sa langue, ni par les coutumes, mais par les désirs et par l’amplitude de la volonté. »

Tiger Woods au départ

Comment a-t-on pu parler, encore récemment, de l’Europe, « ce territoire sans âme » ! Ou déclarer, comme Gordon Brown, chancelier de l’Echiquier, futur Premier Ministre britannique, le 27 octobre 2005 : « A quoi sert l’Europe face à la mondialisation ? : « A rien, puisqu’elle est bien trop grande pour faire face à des problèmes locaux, et bien trop petite pour affronter des enjeux mondiaux ».

Certes, le sport n’est pas considéré comme un attribut de la puissance. Il est cependant révélateur de l’état d’esprit d’une population. C’est important, l’état d’esprit de la population. En 2018, les Européens, avec quatre pays en demie finale de la Coupe du monde de football, ont dominé le reste du monde. Dimanche dernier, l’équipe européenne de golf a infligé aux Américains une défaite dont ils se souviendront longtemps. Précisément, le plus important n’est peut-être pas tant le résultat, que l’état d’esprit. L’Europe en crise, l’Europe désunie, l’Europe ouverte à tous les vents, moquée, agressée par Trump, Poutine et quelques autres, a offert, dimanche, un beau visage. Il n’y a sans doute pas encore de souveraineté européenne, mais une forme de patriotisme européen rayonnait.

Le public, très nombreux, se moquait bien de savoir de quelle Europe il s’agissait. Dans l’équipe européenne, il y avait des représentants du Royaume-Uni, sur le point de quitter l’Union européenne, de l’Italie, du Danemark, de Suède, des pays qui n’ont pas toujours la même idée de l’Europe. Peu importait, ils se sentaient Européens. Pourtant, parmi les pays les plus européens, il n’y avait aucun Français, Allemand ou Belge.

L’équipe d’Europe victorieuse de la Ryder Cup

Sur les écrans de télévision, pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir regarder la retransmission qui était sur une chaîne cryptée, le spectacle était de toute beauté. La tribune qui contenait près de 7 000 places, derrière le départ du trou n°1, était impressionnante par l’admiration, la foi, la ferveur qui s’en dégageait. Des chants anglais se mêlaient aux Marseillaises reprises en cœur.

Sur le parcours, c’était la cohue. 60 000 spectateurs se sont présentés chaque jour à partir de 5 h 30 du matin pour voir cette compétition de très haut niveau. Le pourcentage de Français ne dépassait pas 40 %. Pour les amateurs de golf, c’est un événement qu’il ne fallait pas manquer.

Sur le plan sportif, la victoire des Européens 17,5 points à 10,5 a été nette et sans contestation.

Ce fut, de l’avis général, « la victoire du collectif sur des individualités américaines ». Une victoire acquise dans le respect des valeurs du sport : dépassement de soi, esprit d’équipe, performance individuelle, éthique. Il fallait voir Tommy Fleetwood porté par ses supporters et Rory McIlroy courir pour sauter dans les bras de ses coéquipiers. Les Européens, notamment Francesco Molinari, l’Italien, Sergio Garcia, l’Espagnol, ont été brillants, particulièrement motivés et pugnaces. Ce n’était pas le cas de certains joueurs américains comme Phil Mickelson et Tiger Woods, la légende, dont l’attitude et les performances n’étaient pas à la hauteur de leur notoriété. Ce dernier, sans un sourire, semblait ailleurs, indifférent au sort de son équipe. La rumeur colportait qu’il s’était également « montré détestable avec le personnel à l’hôtel Trianon Palace et avait joué les divas, fidèle à sa réputation d’individualiste ». Il se disait également qu’il souffrait, mais alors, pourquoi jouait-il ?

Le capitaine américain a été très élégant en déclarant : « Je ne pense pas qu’on puisse imaginer un meilleur public, un meilleur parcours et un meilleur lieu pour une Ryder Cup en Europe !»

Christophe Muniesa, le directeur technique national de la Fédération Française de Golf pense que « La création de richesse, c’est-à-dire l’écart entre une année avec ou sans Ryder Cup, sera très vraisemblablement de 220 à 250 M€ pour l’État français ». Ce n’est pas rien !

Robert von Hagge, un architecte de terrain de golf américain connu pour avoir conçu plus de 250 parcours dans plus de 20 pays, avait été consulté lors de la conception du parcours du golf national. Je me souviens qu’il avait un physique de star de cinéma américain. Je l’ai connu lors de la réalisation du parcours du Royal Mougins Golf Club à laquelle COGEDIM Méditerranée, que je présidais, avait participé pour la partie immobilière.

Inauguration du Royal Mougins Golf Club en 1993 – à droite Robert von Hagge

En France, il avait déjà été l’architecte du parcours des Bordes, sur le domaine de chasse du baron Marcel Bich et du parcours de Seignosse le Penon, deux excellentes références.

Hubert Chesneau, architecte du golf national, n’avait pas, en 1985, les mêmes références. Il a raconté, en mai 2011, sur le site de la Fédération, l’histoire du parcours et, notamment sa rencontre avec Robert von Hagge en ces termes : « À partir de mes premières esquisses j’ai conçu le plan d’ensemble des 3 parcours, puis échangé quelques croquis et idées de tracé avec Robert Von Hagge qui m’avait fait l’amitié d’accepter d’être consultant pour le parcours de championnat qui ne s’appelait pas encore l’Albatros. Mon idée de base était fondée sur l’apport de terres en grosse quantité, modelées au fur et à mesure, terres issues des terrassements des chantiers de l’ouest parisien, dont je savais qu’elles étaient un problème pour les entreprises au regard des coûts d’évacuation et décharge ». https ://www.golf-national.com/histoire/

Le résultat est là. Il a été salué par tous les spécialistes. L’Albatros est aujourd’hui un des plus beaux parcours du monde, avec maintenant une histoire.

Dimanche dernier, il faisait beau, un peu frais, mais beau. La concentration de spectateurs autour des greens des trous n° 1, 5, 16 et 18 était impressionnante et a duré longtemps après que la victoire fut acquise. L’ambiance était assez britannique ! « Make Europa great again » entendait-on dans les tribunes ! Le « clapping », que les Islandais ont mis à la mode lors du dernier Euro de football, saluait souvent les exploits des joueurs européens. L’Albatros, c’est the place to be

La 42e édition de la Ryder Cup a été un grand succès sportif et populaire.

Ce fut un grand moment de golf dont les spectateurs, mais aussi les téléspectateurs, se souviendront longtemps.

Vivement une compétition de football entre l’Europe et l’Amérique du Sud, pour que souffle à nouveau l’esprit européen.


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