« Les nations ne meurent pas, mais elles peuvent se suicider ». (Charles De Gaulle).


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Les Français ont peur. Cette situation va mal finir ! Si certains considèrent que la violence est un mal nécessaire sans laquelle il est impossible, en France, de débloquer des situations, la majorité des Français a peur. Pour ceux qui ont de la mémoire et un minimum de culture, peur de voir notre pays plongé dans le chaos et la terreur, comme en 1789, 1848, 1871, au temps de La Commune de Paris, 1961, avec l’OAS qui semait la terreur pour empêcher l’indépendance de l’Algérie ou en 1968, au plus fort des nuits de barricades à Saint Germain des Prés. Pour les autres, peur, tout simplement, du lendemain, des conséquences économiques, de l’incertitude, du désordre qui bouleverse les situations, les acquis, les projets.

La violence à l’égard de Macron, d’abord, ne date pas du 17 novembre. Dès le début de la campagne présidentielle, le déchaînement contre sa personne atteignait des sommets. Exemples : « Emmanuel Macron : une image virtuelle flottant dans le néant. » » Acteur de théâtre, de téléréalité, télévangéliste, prédicateur ». Il y avait les sceptiques qui prédisaient que derrière le spectacle de l’artiste, il faudra gouverner le sixième pays le plus puissant du monde. « Donne-t-on des allumettes à un enfant si près d’un dépôt d’essence ? »

Il faut prendre le temps de relire ce qui se disait à l’époque. Ce n’est pas triste et aide à comprendre les insultes dont il est l’objet actuellement. « Emmanuel Macron, le gendre idéal, le Michel Drucker de la politique. C’est « Champs-Élysées » à chacune de ses apparitions. » Avec lui, la mondialisation sera heureuse. C’est un mystique, peut-être un saint… qui sait ? Ou un pervers susceptible d’embobiner à peu près n’importe qui avant de le trahir. »

Aujourd’hui, dix-huit mois seulement après son entrée en fonction, les propos tenus sur les plateaux de télévision et les menaces proférées sur les réseaux sociaux, à l’égard du chef de l’État, n’ont plus de limites. Ils sont d’une extrême violence. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a été un des seuls, récemment, à mettre en garde la population française. « Arrêtons d’être naïfs et irresponsables face à des gens qui veulent renverser la démocratie et qui sont des factieux ». Il faut en effet dire les choses telles qu’elles sont. Si la violence physique n’est le fait que d’une petite minorité de Gilets jaunes, la violence verbale est le fait de la quasi-totalité des Gilets jaunes. Or, dans le processus connu de montée aux extrêmes, la violence du langage conduit inévitablement à la violence des actes. Les guerres civiles, comme les autres formes de guerre, ne commencent pas autrement. Elles se déclenchent et se déroulent avec les mêmes règles.

Si l’ordre n’est pas rétabli dans un délai raisonnable, les Français ne tarderont pas à réclamer un sauveur, un homme ou une femme providentielle capable de rétablir l’ordre, avec le risque, comme au Brésil, en Turquie, en Italie, d’en payer le prix avec des restrictions de libertés et la fin de la démocratie à la française. Les Français, dans leur ensemble, souhaitent que le chef de l’État ait une certaine autorité….mais pas trop. « Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte « , écrivait Victor Hugo. La crainte a souvent été exprimée de voir ce jeune homme, grisé par tant de pouvoirs, balayer les contre-pouvoirs au nom de l’efficacité. Nouveau venu en politique, Emmanuel Macron, avec son regard bleu, ambitieux, sans affects, sûr de lui, est un séducteur qui séduit plus qu’il n’aime. Il n’avait pas l’intention d’être un « président normal ». À trop refermer les grilles du palais, il s’est isolé.

De très nombreux Français avaient été désemparés lors du second tour de la Présidentielle. La Ve République confère au président tant de pouvoirs qu’il faut des garanties avant de mettre un bulletin de vote dans l’urne. Pour une grande majorité, Mme Le Pen apportait plus d’inquiétudes que de garanties. Elle faisait courir un danger à la démocratie. L’article 16 de la Constitution permet au président de la République agissant sous sa seule signature de cumuler l’intégralité des pouvoirs législatif et exécutif, et cela sans pouvoir faire l’objet d’aucun contrôle. Les conditions requises pour mettre en place ce régime d’exception sont certes destinées à éviter les risques d’abus ( » menace grave et immédiate sur les institutions de la République, sur l’intégrité du territoire ou l’exécution de nos engagements internationaux, interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels. » Avec un président attaché à la démocratie, respectueux de l’esprit des institutions, il n’y a aucun danger. Avec un président autoritaire tenter, pour sauver sa présidence, d’opter pour un régime antilibéral ou illibéral, en place en Hongrie et en Pologne, où dans la Russie de Poutine et la Turquie d’Erdogan, le risque existe. Un risque que ni le Parlement, ni le Conseil constitutionnel, ni les institutions judiciaires ne seraient en mesure d’endiguer.

dessin de Plantu le 10-01-2019

Le 16 avril 2017, il était rappelé dans Les Échos, que « le fascisme n’est pas une affaire mussolinienne, ni du XXe siècle« . Umberto Eco, en 1995, détaillait les éléments capables de l’engendrer sous des formes nouvelles. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en possède certains. Le journaliste de ce quotidien modéré recommandait la lecture de « Reconnaître le fascisme », d’Umberto Eco. (Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Grasset)

Laurent Berger a raison. Ne soyons pas naïfs. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui pèsent ensemble près de la moitié du corps électoral, n’ont jamais admis la légitimité d’Emmanuel Macron. Conscients qu’ils ne pourraient sans doute jamais accéder à la fonction suprême au suffrage universelle, dans les dispositions actuelles de la Constitution, ils en ont tiré des conclusions, chacun à leur façon. Marine Le Pen, en incitant une majorité de Français à réclamer la dissolution de l’Assemblée nationale et un référendum sur n’importe quel sujet, et Jean-Luc Mélenchon, en appelant purement et simplement à la révolution. MLP, dit-on, se prépare à être nommé Premier ministre !

Ensemble, d’une même voix, dans une alliance objective qui ne peut dire son nom, ils soutiennent la mise en place d’un RIC, ce référendum d’initiative citoyenne sorti d’un chapeau sur les ronds-points. L’arme de destruction massive que réclament les extrêmes. Une arme de destruction massive de la démocratie. Le RIC est le contraire de la démocratie ; ça ressemble à la démocratie, mais ne permet pas de véritable délibération, comme le débat parlementaire, réduit des questions complexes à un choix par oui ou par non, absurde, polarise la société et offre la particularité de permettre toutes les manipulations possibles par des minorités. On ne délibère pas à 67 millions, on manipule. C’est l’arme de destruction massive des minorités actives. L’arme de la dictature des minorités.

Écoutez attentivement la rhétorique politique des Gilets jaunes invités sur les plateaux de télévision. Ils se défendent de toute appartenance politique, mais leurs éléments de langage trahissent l’aide que leur apportent la France insoumise et le Rassemblement national. Leur but commun est de faire évoluer leur mouvement vers un soulèvement populaire, une insurrection.

Personne ne sait comment cette crise politique prendra fin. Les intellectuels les plus mesurés, les moins engagés, sont conscients qu’un déséquilibre s’est produit, au fil des années, entre la société française et les institutions qui, du point de vue de la représentation politique, ne sont plus adaptées au monde nouveau. Les bouleversements démographiques, migratoires, les innovations technologiques, les modes de communications, de transport, la question environnementale et écologique, ont été considérables. Le monde a changé, les citoyens aussi ! Rien d’étonnant à ce qu’ils demandent à être entendus et écoutés autrement qu’à l’occasion des consultations électorales. L’explosion des partis politiques dits de gouvernement aurait dû alerter sur l’urgence à apporter des réponses démocratiques à cette évolution. Il n’en a rien été pour diverses raisons. La société française, trop bloquée, n’était sans doute pas prête à une évolution pacifique. Faute d’avoir été capable d’imaginer, dans la concertation et paisiblement, de nouvelles institutions, elle aura peut-être une révolution !

Cette crise du politique est mondiale. Ce qui se passe aux États-Unis, en Grande Bretagne, au Brésil, dans un certain nombre de pays d’Europe centrale, prend des formes diverses, mais la crise est de nature semblable. Qui sera le nouveau Karl Marx de la révolution industrielle ?

Il est sans doute trop tôt pour répondre à cette question. Michel Serres, interrogé récemment par Lionel Laparade, journaliste à la Dépêche, a exprimé son avis en ces termes : « La sortie de crise aura fatalement lieu dans des circonstances que je ne vois pas et que, d’ailleurs, tout le monde ignore. » Je pense que le retour à l’ancien monde, à la reconstitution du modèle gauche droite, est impossible. Ce serait déjà fait. Sur l’autre sortie de crise, la tentation totalitaire, le philosophe pense que « c’est la pire des solutions. Macron est extrêmement fragile, parce qu’il est cerné par l’extrême gauche et l’extrême droite. Et l’histoire du XXe siècle a montré que les pires régimes se sont toujours construits sur une sorte de liaison secrète et explosive entre les deux extrêmes : le national-socialisme d’Hitler fut l’alliance de la dictature et du prolétariat ».

Les Français ont le choix. Ils peuvent encore ne pas se suicider !


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