“L’ardente obligation” de loger tous les Français.


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Le 12 février dernier, j’ai mis en ligne un essai dans lequel j’analyse l’évolution de la politique du logement en France depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le constat que faisait, à cette date, la Fondation Abbé Pierre, dans son dernier rapport sur l’état du mal-logement, est dramatique. On se souvient que le 1er février, le candidat socialiste à la présidence de la République, François Hollande, a signé, couvert de farine, le « contrat social pour une nouvelle politique du logement » que la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés proposait aux candidats.

« L’Homme dans la cité », oeuvre d’Yves Couëdel

Ce contrat comporte des engagements précis :

1. Atteindre l’objectif de 500 000 logements par an durant mon mandat, dont 150 000 logements locatifs vraiment sociaux (hors logements intermédiaires). Assortir toute aide publique, financière ou fiscale, de contreparties sociales (fixation de plafonds de loyers et de ressources en référence à ceux du logement locatif social). ; déposer, dès 2012, un projet de loi foncière visant à maîtriser la valeur des sols et à libérer les terrains à bâtir.

2. Lancer, dès la 1re année de mon mandat, un plan de conventionnement visant 100 000 logements à loyers accessibles par an dans le parc privé ; généraliser la taxe sur les logements vacants dans les zones de marché tendu et la rendre progressive dans le temps ; imposer le retour des investisseurs institutionnels en réintroduisant des incitations ainsi qu’une obligation d’investissement dans l’immobilier locatif résidentiel.

3. Encadrer les loyers du parc privé, notamment à la relocation, et définir les conditions de leur baisse dans les secteurs de déséquilibre excessif ; maîtriser les prix de l’immobilier à toutes les étapes de la production (réduction des coûts de construction, limitation des effets inflationnistes liés à la rémunération des intermédiaires…).

4. Améliorer la couverture des aides personnelles au logement, maintenir leur indexation sur l’inflation et en élargir le bénéfice aux catégories de personnes fragiles qui en sont aujourd’hui exclues ; déployer un véritable « bouclier énergétique » pour les ménages modestes.

5. Généraliser le signalement précoce et obligatoire des impayés de loyers et refuser, sans délai, l’expulsion avec le concours de la force publique sans solution adaptée, tout en dédommageant les propriétaires. Créer rapidement les places d’hébergement nécessaires pour répondre aux besoins identifiés sur les territoires et mener à bien la transformation des structures en habitat individuel. ; dans les communes insuffisamment pourvues de logements sociaux, réserver une offre locative sociale dans le parc privé pour les ménages défavorisés (le différentiel entre le prix du marché et celui du social devant être pris en charge par la collectivité).

6. Éradiquer les 600 000 logements indignes en soutenant les propriétaires dans la réalisation de leurs travaux et en sanctionnant plus fortement les bailleurs de mauvaise foi.

Caen en 1948

7. Renforcer l’article 55 de la « loi SRU » en imposant aux communes une part de 25 % de logements sociaux et en adoptant des sanctions réellement dissuasives pour celles qui ne respectent pas leurs obligations de rattrapage. Systématiser l’instauration de secteurs de mixité urbaine et sociale (programmation d’une part de logements sociaux, intermédiaires et en accession sociale à la propriété, obligatoire partout où il est nécessaire de diversifier l’habitat).

8. Réformer la fiscalité immobilière (taxe foncière, revenus fonciers, plus-values immobilières) en instaurant une contribution de solidarité urbaine permettant de corriger, là où c’est nécessaire, les inégalités entre quartiers d’une agglomération ou d’une aire urbaine.

9. Relancer la rénovation urbaine dans les quartiers d’habitat populaire sur la base de nouvelles exigences : reconstruction hors site et hors ZUS de la majorité des logements démolis et renforcement de la dimension sociale des projets. Engager une action déterminée en faveur du traitement des copropriétés en difficulté et faire évoluer la législation pour prévenir leurs fragilités et leur dégradation.

10. Mettre en place des autorités organisatrices et régulatrices de l’habitat et du logement et des dispositifs d’observation à l’échelle des agglomérations et d’un périmètre plus large pour l’Ile-de- France. Contribuer à faire des personnes mal logées, et de tout citoyen, de véritables acteurs de cette politique locale. Loin de régresser, le mal-logement s’est considérablement développé ces dernières années et le logement est devenu une source majeure d’exclusion, d’injustices et d’inégalités. Les politiques du logement successives n’ont pas été à la hauteur de cet enjeu de société, voire parfois ont aggravé la situation ; il est devenu capital, pour le bien commun, d’agir autrement et d’amorcer dès 2012 des réformes structurelles et simultanées dans quatre directions : la production de logements, la régulation des marchés, la justice sociale et la mixité urbaine et sociale. Ce contrat social pour une nouvelle politique du logement pose les conditions minimales pour rendre possible ce changement…

Seulement voilà, le monde, l’Europe, et en particulier la France, traversent une grave crise économique. Le gouvernement doit à la fois réduire les dépenses publiques et augmenter les recettes fiscales, pour respecter l’engagement qu’elle a pris d’avoir des comptes publics en équilibre en 2017, tout en stimulant la croissance sans laquelle les recettes ne seront pas au rendez-vous. Autant dire qu’il s’agit de concilier l’inconciliable. Comment construire davantage quand les dépenses publiques doivent être « passées à la paille de fer » ?

 » Ce n’est pas la Cour des comptes qui définit la politique du gouvernement « , dit-on à Matignon. C’est vrai, mais la vérité est toujours concrète ! En 2013, il faudra trouver 33 milliards d’euros pour respecter l’objectif de déficit de 3%. Le chemin emprunté pour y parvenir sera étroit, difficile et ne laissera guère de marges de manœuvre.

« Le changement, c’est maintenant ». Le slogan de campagne était habile. Encore faut-il s’entendre sur la définition à donner à l’adverbe « maintenant ». S’agit-il du moment présent ou d’un avenir plus ou moins proche ? Le Premier ministre a répondu à cette question : « Le redressement prendra du temps. (…) Au cours de ce quinquennat, deux phases se succéderont. ». Les Français ne se faisaient guère d’illusions, maintenant, ils savent à quoi s’en tenir. Ils devront être patients. Il y aura dans un premier temps, c’est-à-dire maintenant, des réformes de structure pour assainir les comptes publics et retrouver de la croissance. Ensuite, mais ensuite seulement, les Français bénéficieront de cet effort collectif dans un esprit de justice. « Le président de la République, comme moi-même,  voulons installer le changement dans la durée », a précisé Jean-Marc Ayrault. Le temps n’est donc plus au  » rêve français « , cher à François Hollande, mais à la mobilisation et à la solidarité dans l’effort.

Comme je l’avais annoncé le 12 février, « Le logement en France », deuxième édition complétée, est en ligne à compter de ce jour en version epub et dans un onglet, en version html. Le lecteur peut également se procurer la version papier, qui est en vente  à cette adresse : Le logement en France.

Cet ouvrage, avec les références qu’il contient, devrait permettre à ceux qui s’intéressent à ce grave problème social, de comprendre, et de suivre, au cours du quinquennat qui débute, l’évolution de la politique du logement que le nouveau gouvernement devra mettre en œuvre dans un réseau de contraintes budgétaires drastiques.


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