« La guerre et la paix »


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Une nouvelle fois, les Français, nombreux, qui regardent sur France 2, « Guerre et Paix », l’adaptation à grand spectacle du chef d’œuvre de Léon Nikolaïevitch Tolstoï, sans avoir lu l’ouvrage et qui, pour la plupart, ne le liront jamais, auront le sentiment de connaître ce grand roman.
C’est inévitable et je reconnais que ce n’est pas une raison pour ne pas produire ce type d’adaptation. France 2 doit au contraire être félicitée pour ses efforts culturels indéniables. Ceux de ma génération auront beaucoup de mal à évacuer la nostalgie de l’adaptation de King Vidor, en 1956. Clémence Poésy, qui interprète de façon charmante le rôle de Natacha Rostov, n’est pas Audrey Hepburn. Alessio Boni est un prince André tout à fait crédible dans son attitude aussi raide que Mel Ferrer avait su interpréter le rôle. L’Allemand Alexander Beyer est un Pierre Bezoukhov aussi idéaliste que pouvait l’être Henry Fonda, mais attendons de le voir dans Moscou en feu pour apprécier le volume de son talent.
Bref, si le téléspectateur n’attend pas, et n’exige pas, les célèbres discussions philosophiques entre le prince André et Pierre Bezoukhov, le roman et le spectacle sont d’une grande qualité. Les paysages, les palais, les costumes ne peuvent être comparés ni à l’adaptation de King Vidor, ni à celle du Russe Boudartchouk, en 1965. La réalisation, avec les moyens modernes est évidemment très supérieure en qualité.
Un dernier mot, avant de finir ce billet, pour parler du père du prince André, le vieux prince Nicolas Andréiévitch Bolkonski. L’interprétation est magnifique, le portrait de ce vieillard à la carcasse osseuse, au rire froid, menaçant, est très réussi. Le réalisateur savait qu’en insistant sur ce personnage, beaucoup plus que dans le roman, il datait cette époque. Peu de passages, c’est normal, sont repris in extenso, je voudrais en citer un qui est fidèle et n’aurait pas supporté une autre adaptation. Quand le prince André rend visite à son père, avant de rejoindre son régiment, et doit laisser sa femme enceinte entre les mains de cet homme si brutal et inhumain, il s’entend dire : « souviens-toi d’une chose, prince André : si tu es tué, ce sera une grande douleur pour mon vieux cœur… Il fit une brusque pause et glapit soudain : Mais si j’apprends que tu ne t’es pas conduit comme le fils de Nicolas Bolkonski, ce sera pour moi une honte ! »
Léon Tolstoï qui connaissait bien ce type d’aristocrates, au début du dix neuvième, n’avait sans doute pas éprouvé le besoin de consacrer des pages à la description du prince, tant ce type d’homme, dans la Russie de Bolkonski, devait être courant. Il faut lire et relire « Guerre et Paix », pour comprendre la Russie d’hier et d’aujourd’hui.


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