Gaza : Avant de juger, il faut comprendre.


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Israéliens et Palestiniens vivent chacun de leur côté depuis les Intifada, la construction du mur et l’impossibilité évidente de faire aboutir des négociations de paix. Les uns et les autres se sont faits à l’idée qu’il y a des problèmes qui n’ont pas de solutions. Pour une très grande majorité d’Israéliens, mettre fin périodiquement aux agissements du Hamas par la force est « une guerre juste » que la sécurité d’Israël impose. Les tunnels, dernière trouvaille du Hamas pour pénétrer en Israël et y commettre des meurtres, devaient  donc être détruits par la force. Au mois de juillet, 2874 missiles ont été tires vers des zones habitées d’Israël. Il est évident, pour les Israéliens, que leur gouvernement est dans son bon droit, en état de légitime défense, quand il mobilise son armée pour mettre fin à cette situation intolérable. Après la mort d’un jeune Palestinien, brûlé vif par des Israéliens au début du mois de juillet, – en représailles après l’enlèvement de trois jeunes Juifs, retrouvés morts en Cisjordanie, commença la montée aux extrêmes.

gaza3Seulement voilà, 1 800 morts palestiniens, des civils en grande majorité, des écoles placées sous la responsabilité des Nations unies bombardées, de nombreux immeubles d’habitation détruits, ont très vite transformé le « bon droit » en un « massacre » intolérable que la communauté internationale, même la mieux disposée, ne peut accepter. La diplomatie française, très critiquée pour son imprudente position déséquilibrée, au début de l’opération  » Bordure protectrice  » réclame maintenant qu’une  » solution politique (…) soit imposée par la communauté internationale, puisque les deux parties, malgré d’innombrables tentatives, se sont malheureusement montrées incapables d’en conclure la négociation « . Après la récente attaque israélienne contre une école de l’UNRWA, (l’ONU), la France ne pouvait faire moins que Londres, Madrid et Washington qui jugeaient la situation  » scandaleuse « ,  » intolérable « ,  » inadmissible « . Les larmes de Chrisopher Guness, le porte-parole de l’ONU, après le bombardement d’un camp de réfugiés dans une école de l’ONU, avait ému le monde entier. Rien ne peut justifier l’assassinat d’enfants.

gaza4Israël a le droit de se défendre, mais la réponse israélienne a-t-elle été disproportionnée ? Est-elle restée dans les limites de ce que l’on appelle «  une guerre juste » ? Les images d’hôpitaux, d’écoles, ciblés et le bilan des morts civils, ont semé le doute. L’horrible ratio de morts civils de 300 contre 1, tant à démontrer qu’Israël a été très au-delà de la légitime défense.

La déclaration de François Hollande, le 9 juillet dernier :  » Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces  » , avait fait suffisamment de vagues (nombreuses manifestations pro palestiniennes), il fallait corriger, ce qui fut fait, même un peu tard, après avoir pris le risque d’être comparé à Guy Mollet, le président du Conseil socialiste de la IVe République, qui avait fait  » cadeau  » de la bombe atomique à Israël en 1956.

Que faire pour garantir la sécurité d’Israël ? Face à des tireurs d’élite capables d’envoyer des projectiles précis à plusieurs kilomètres, à des lanceurs de missiles et de roquettes, dissimulés dans la population, les Israéliens n’ont d’autres solutions que de frapper fort avec les risques que cela comporte compte tenu de la densité de population, à Gaza, qui est de l’ordre de 5000 habitants par km2. Il en était de même en Afghanistan quand les talibans utilisaient la même méthode. Accuser le Hamas de lâcheté ne constitue pas une excuse et ne suffit pas à exonérer Israël de sa responsabilité.

Tunnel à Gaza
Tunnel à Gaza

La montée du fondamentalisme islamique et de ses méthodes radicales est une tendance lourde dans tout le Proche-Orient. Ce qui se passe en Irak, en Syrie, en Libye, en témoigne quotidiennement. Il ne faut donc pas être naïf, mais trouver le moyen d’imposer aux régimes en place des solutions politiques aux problèmes qui se posent et arrêter d’être en permanence en retard sur les événements ou/et dans la compassion et dans l’émotion. Pour cela, il faut que la communauté internationale soit digne de ce nom et que les institutions internationales se dotent des moyens d’assumer leur responsabilité. Ce n’est pas le cas et c’est le fond du problème. Les Etats-Unis ne sont plus disposés – et ne veulent plus – être les gendarmes du monde. Les peuples, et particulièrement les minorités religieuses, sont abandonnés à leur triste sort, sans défense et sans protection. C’est cette situation qui est  » scandaleuse « ,  » intolérable « ,  » inadmissible « . Les opinions publiques doivent s’indigner et les Etats responsables se mettre d’accord sur des solutions qui puissent mettre fin à une situation qui a des conséquences dans toute la région. En attendant, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’Israël s’affranchisse de toute retenue pour atteindre ses buts de guerre. Or, le but de guerre, en l’espèce, n’est pas de mettre fin au conflit israélo-palestinien, mais de « punir » le Hamas, ce qui ne constitue pas une solution politique.

Il est évident que les gouvernements israéliens successifs – et une partie de l’opinion – refusent toute solution politique négociée. Qui a tué Yitzhak Rabin, coupable d’avoir sincèrement voulu la paix ? La stratégie des politiques et militaires israéliens, à court terme, ne peut conduire qu’à une impasse. L’extrémisme des dirigeants du Hamas offre d’excellents prétextes aux Israéliens pour poursuivre dans une voie sans issue. Tous les Palestiniens ne sont pas des terroristes. La très grande majorité d’entre eux souffrent en silence et n’ont qu’un espoir, pour eux et leurs enfants, c’est de vivre enfin en paix et dans des conditions normales.

Chacun d’entre nous doit se poser la question : « Que ferais-je, si j’étais Palestinien, si ma maison avait été détruite à plusieurs reprises, si de nombreux membres de ma famille avaient perdu la vie sous les bombes israéliennes, si, sans travail, sans avenir, j’avais le sentiment d’être en prison pour une peine que je n’ai pas commise ? » Tant qu’il ne sera pas répondu à cette question, les Palestiniens n’auront, par désespoir, d’autre solution que de devenir terroriste. C’est le seul avenir auquel la soi-disant communauté internationale condamne la jeunesse palestinienne.

gaza2Certes, l’émotion est mauvaise conseillère, elle ne peut tenir lieu de raisonnement. Les solutions à moyen et long terme doivent être trouvées dans la réflexion et non dans la passion et l’émotion. Croire, comme le font systématiquement les politiques, que faire la guerre constitue la seule solution, est une erreur. C’est même ne pas savoir ce qu’est la guerre et ses horreurs. Au moment où nous commémorons le 70e anniversaire du débarquement, qui s’est accompagné de tant de victimes civiles, croire que l’on peut faire la guerre sans pertes humaines dans la population est plus qu’une erreur, c’est une faute.

Mon propos n’est pas de de juger, mais de chercher à comprendre, ce qui n’est pas simple, tant la situation dans le Proche Orient, et à Gaza en particulier, est d’une extrême complexité. La position de la France, depuis le général de Gaulle, est simple et équilibrée : droit à l’existence et à la sécurité pour Israël, et droit à un État aux frontières stables et reconnues pour les Palestiniens. Encore faut-il être capable de s’y tenir jusqu’à ce que cet objectif soit atteint.

Sur ce sujet, mon ami Pierre Bayle, dans son dernier billet intitulé : « Au-delà du mur », invite les lecteurs de son blog à se rendre sur le site d’un prêtre italien qui vit depuis plus de cinq ans entre Cisjordanie et Gaza. Le journal du prêtre est en italien, mais, pour ceux qui ne lisent pas cette langue, Pierre en a fait un résumé en français dont je publie les premières lignes. Ce témoignage est particulièrement émouvant.

Au-delà du mur

“Moi j’habite au-delà du mur” : c’est le titre du blog tenu par le père Mario Cornioli, un prêtre italien qui depuis 2009 travaille auprès du patriarche latin de Jérusalem, anime la “maison des enfants-Jésus” de Bethléem pour les enfants handicapés, et assure le lien entre les communautés de prêtres et de religieuses en Cisjordanie et à Gaza, au service des chrétiens de Palestine mais aussi des musulmans.blog de Pierre Bayle

Celui que les Palestiniens appellent “Abouna Mario”, notre père Mario, a décidé de témoigner ainsi à son niveau, y compris par des messages au pape François avec qui il est en contact régulier, des souffrances d’une population civile enfermée derrière ce mur, un mur dont le profil même est source de conflits – il raconte notamment les recours administratifs et judiciaires contre son tracé.

Pour ceux qui n’ont pas la chance de comprendre l’italien, j’ai fait une petite sélection de passages significatifs de son blog, parfaitement accessible à l’adresse Internet abunamario, en remontant jusqu’à août 2010. C’est une chronique des petites humiliations quotidiennes de la population palestinienne, maisons détruites, permis refusés, oliveraies confisquées, et surtout le chantier du mur qui d’élève en serpentant et sépare les villes palestiniennes de leurs campagnes. Des vexations qui atteignent aussi bien les chrétiens parmi les populations palestiniennes, comme la difficulté de faire accéder les élèves au petit séminaire de Beit Jala ou la difficile réouverture du check-point de Bethléem.

Le blog d'Albuna Mario
Le blog d’Albuna Mario

Du 24 décembre 2012, cette lettre de Noël : “cher enfant-Jésus, je t’écris pour te donner une très bonne nouvelle : si Joseph et Marie réussissent à arriver à Bethléem, s’ils réussissent à passer les check-points et à traverser le mur, s’ils n’ont pas d’autres problèmes d’autorisations, ce sera la dernière année que tu naîtras dans une grotte car l’année prochaine nous aurons terminé un nouvel étage de la maison qui accueille déjà tes petits frères et tes petites sœurs et tu pourras trouver une belle chambre chauffée et accueillante”.

29 mars 2013, Pâques. la Via Crucis a été célébrée dans l’oliveraie de Cremisan, condamnée par une décision administrative qui fait passer juste au milieu le mur de séparation entre Israël et les territoires occupés. Le post du père Marion reste plein d’espoir : “sur les côtés de la route, nos oliviers ont souffert comme  nous, témoins muets et silencieux d’une retentissante injustice. Mais c’est une simple question de temps. La mort, à Jérusalem, ne dure que quelques heures… car l’aube de la résurrection, encore invisible, pointe déjà à l’horizon. La vie a déjà vaincu et vaincra encore. Joyeuses Pâques à tous !”

La suite sur les sites suivants

http://pierrebayle.typepad.com/pensees_sur_la_planete

http://abunamario.wordpress.com/

 


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