La France a changé depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher en janvier 2015


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La France a changé depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher en janvier 2015. Après avoir fait preuve d’unité, les Français se sont efforcés d’oublier et de vivre sans être en permanence terrorisés. Seulement voilà, il y a eu le Bataclan et des terrasses de cafés à Paris, au mois de novembre dernier ; puis, à Nice, sur la promenade des Anglais, le 14 juillet dernier. Il n’est plus possible d’oublier et de vivre comme si rien ne s’était passé. Les Français ont compris qu’ils doivent maintenant vivre avec le terrorisme. Mais, est-il possible, dans un pays comme le nôtre, d’être tout le temps sur ses gardes, comme en Israël ? L’excellent politologue Dominique Moïsi parle « d’israélisation des esprits, quand il écrit que « les citoyens français doivent avoir présent à l’esprit en permanence la menace terroriste ». C’est certainement exact, mais, en France, le mode de vie, le besoin permanent de vivre sans contrainte, de pouvoir faire la fête, rend cette vigilance à peu près inpraticable. Elle signifierait d’ailleurs que le salafisme, le radicalisme islamique, aurait réussi à modifier notre vie, notre façon de vivre. C’est impensable, intolérable.cover du Point du 20 juilet 2016

La stratégie de l’État islamique est claire. Les responsables de ce proto État lancent en permanence un appel à la résistance islamique dans le monde entier. Pour eux, l’Occident, fragile, vulnérable, s’écroulera sous les attaques portées par l’action généralisée de jeunes musulmans révoltés. Un document de 200 pages intitulé « Gestion de la barbarie », publié en 2004, est pour eux l’équivalent de ce qu’était « Mein Kampf » pour les nazis. Il n’en faut pas plus pour que, par un phénomène de mimétisme, bien connu des sociologues, de jeunes musulmans, au destin limité et sans avenir, soient en capacité de porter le danger partout et de toutes les façons possibles et imaginables. Face à cette menace d’un type nouveau, les services de renseignement trouvent très difficilement des solutions et ne peuvent protéger totalement. Cette forme de terrorisme est en grande partie indétectable.

Non seulement EI manipule de jeunes musulmans, mais en plus ils s’approprient les événements qui correspondent à leur but. Ne viennent-ils pas d’affirmer que leur action a pesé sur la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne avec la peur des réfugiés que suscitent les attentats ? En terrorisant les Français de confession musulmane qui ne veulent pas les rejoindre, EI, aidé par les réseaux sociaux et les médias, n’a apparemment aucune difficulté à recruter des volontaires prêts à mourir pour la cause.

Il faut donc des responsables. Pour l’instant, on ne constate pas de violences intercommunautaires. Même s’il est courant d’entendre dire que si tous les musulmans ne sont pas terroristes, les terroristes sont tous musulmans, les Français comprennent qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre des terroristes et la population musulmane. Quand, sur la Promenade des Anglais, des musulmans, proches de victimes musulmanes, sont insultés, c’est lamentable et bien triste. Dans l’ensemble, les Français prennent petit à petit conscience que l’État ne protège plus suffisamment l’espace public contre un vivier de délinquants, constitué en bande et animé par une volonté de tuer le plus grand nombre possible de nos concitoyens. Cette forme de violence pose des problèmes de prévention, d’anticipation, de renseignement nouveaux et, pour l’instant, sans solutions. De nombreux attentats sont déjoués, mais l’opinion publique ne retient que les attentats qui réussissent et ils sont de plus en plus fréquents. L’incertitude renforce l’angoisse et le sentiment d’insécurité. Sentiment qui se traduit par une très forte demande d’autorité par les braves gens qui n’ont rien à se reprocher et qui ne se rendent pas toujours compte de ce que peuvent représenter les restrictions de toutes sortes de libertés.

Nice - La Promenade des Anglais après l'attentat
Nice – La Promenade des Anglais après l’attentat

Les Français regardent tous les soirs à la télévision des scènes d’une violence inouïes et ce qu’était la vie sous l’occupation allemande, mais, comme les enfants, ils ne supportent pas l’idée que la réalité puisse se confondre avec la fiction ou que l’histoire puisse se répéter.

Pour toutes ces raisons, aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas, il y a dix-huit mois, la colère l’emporte sur la raison. Les Français ont le sentiment que les pouvoirs publics sont impuissants et que l’autorité de l’État, ou ce qu’il en reste, ne parvient pas à rassurer. À cet égard, les propos du chef de l’État le 14 juillet, le jour même de l’attentat sur la Promenade des Anglais, ont peut-être porté un coup fatal à sa réélection.

Il faut des responsables. À moins d’un an de la prochaine élection présidentielle, les candidats, leurs équipes de campagne, les formations politiques, pilonnent par tous les moyens celui qu’il faut absolument éliminer du deuxième tour de l’élection. C’est principalement en cela que La France a changé depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher en janvier 2015. La répétition des attentats et la proximité de l’élection présidentielle en sont la cause.

Le débat à l’Assemblée nationale durant la nuit de mardi à mercredi dernier, a été révélateur de cette évolution. Des députés de droite ont perdu bonne foi et sang-froid, dans le seul but d’exploiter politiquement ces attentats. Avec un discours analogue à celui du FN, ils ont réclamé des lois d’exception susceptibles de provoquer des troubles dont ils n’ont même pas conscience. Après de tels événements, il était normal que la tension soit perceptible, que les paroles dépassent un peu la pensée et que les interpellations rappellent des périodes troublées de notre histoire. J’étais à l’Assemblée nationale dans la nuit du 13 mai 1958, j’en ai entendu d’autres et vu des députés en venir aux mains.

L’inconstitutionnalité des mesures proposées par l’opposition semblait ne choquer personne dans les rangs de l’opposition. Le compte rendu de la séance en fait foi ! N’était-ce qu’un moment d’égarement justifiable en fin de session parlementaire et en raison de l’émotion générale ? Le Grade des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, s’en est ému en termes juridiques, mesurés et peinés.

La peur des élections est mauvaise conseillère. Ces polémiques sont inutiles. Elles affaiblissent le pays. L’Allemagne, dans des circonstances analogues, avec son gouvernement de coalition, est infiniment plus digne et le débat, nécessaire, plus serein. Je pense, comme Dominique Moïsi, « qu’apprendre à vivre avec le terrorisme ne signifie pas renier l’État de droit, au contraire. Trahir nos valeurs, ce serait faire exactement ce que souhaite notre ennemi. On ne répond pas à la radicalisation de certains par la course aux extrêmes pour tous ».

Cette montée aux extrêmes et le mimétisme, concepts sur lesquels j’écrivais sur ce blog, il n’y a pas longtemps, progressent dangereusement.

Nous ne devons pas, nos politiques ne doivent pas, tomber dans le piège que l’EI nous tend. Le spectacle permanent d’un pouvoir impuissant, maladroit (le projet de déchéance de la nationalité en a été l’illustration), de la polémique purement politicienne entre le pouvoir en place et ceux qui aspirent à prendre leur place, démontre la faiblesse de notre système de défense et renforce Daech dans l’idée que leur action porte ses fruits. La rupture de la cohésion nationale, la division des Français, par-delà les discours qui n’accrochent plus, affaibliraient lentement notre pays.

L’histoire jugera, mais plus tard, trop tard.

 


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