« Tous les empires déclinants ont leurs empereurs fous ».


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Le Brexit avait déjà troublé les esprits. L’élection surprise de Donald Trump, la semaine dernière, a plongé les Français, comme tous les Européens, dans la sidération, pour ne pas dire dans la peur.

Les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne se réunissent aujourd’hui à Bruxelles pour  » évaluer les relations avec les États-Unis à la suite de la présidentielle américaine « . Les sujets ne manquent pas : Quelle sera l’attitude Donald Trump à l’égard de la Russie, sur le règlement du conflit syrien, sur l’anéantissement de l’organisation État islamique (EI) ? Que va devenir l’OTAN au moment où la Russie gesticule, montre ses muscles ? Que vont devenir les accords sur le climat ? D’une manière générale, que vont devenir les relations transatlantiques.

Donald Trump et Barak Obama
Donald Trump et Barak Obama

Deux courants se dessinent. D’un côté, ceux qui disent : « Pas de panique ». De l’autre, ceux qui voudraient profiter de cette nouvelle donne pour faire avancer une Europe de la défense et redonner à l’Europe sa puissance perdue. La haute représentante, Federica Mogherini se rendra prochainement à Washington pour rencontrer le nouveau président avant sa prestation de serment en janvier 2017. Les 28 parviendront-ils à se mettre d’accord sur un projet commun ? wait and see, mais pour l’heure, le pessimisme l’emporte.

Pendant ce temps, pendant que les dirigeants politiques et les commentateurs dissertent sur l’événement que constitue l’élection de Donald Trump, un ancien Premier ministre français, fin connaisseur des affaires internationales, s’exprime à l’occasion de la promotion de son dernier livre de réflexion : « Mémoire de paix pour temps de guerre » (Grasset 670 pages 24€). Dominique de Villepin ne commente pas, il réfléchit. Il est donc intéressant de le lire et de l’écouter, car s’il voyage beaucoup, il s’exprime rarement.

Dans l’hebdomadaire Marianne du 11 au 17 novembre, il vient de livrer un certain nombre de réflexions que la classe politique, encalminée dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2017, ne semble pas capable de formuler avec autant de liberté, de lucidité et, il faut bien le dire, de compétence.cover-de-marianne

Au mois de mai 2007, quelques jours avant son départ de l’Hôtel de Matignon, Dominique de Villepin avait reçu la 59e session de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale. Sans notes, pendant près d’une heure, il avait brossé un tableau des relations internationales qui avait beaucoup impressionné un auditoire exigeant, habitué aux conférences des experts les plus compétents. J’en ai conservé un grand souvenir.

Dans l’interview qu’il a accordée à Marianne, l’ancien Premier ministre évoque l’élection inattendue de Donald Trump « qui révèle les failles de notre monde ». Il fait le constat que pour une partie du peuple américain, le respect des règles, des convenances, ne s’impose pas. Quand on leur saisit leur maison (après la crise des subprimes), qu’on supprime leur emploi, les règles, à leurs yeux ne sont pas respectées, alors leur candidat, Donald Trump, un winner, a raison de mépriser les règles, de mentir, d’être le porte-parole de leur colère. Une grande partie des Américains blancs a peur. Peur de l’avenir, peur de ne plus être majoritaires dans leur pays, peur que l’empire américain vacille, perde de sa grandeur, ne domine plus le monde.

La peur n’est pas bonne conseillère. Il n’y a rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce qu’un milliardaire, animateur de télé réalité, propriétaire de casinos aux affaires pas toujours très claires, cristallise toutes les formes de mécontentement et ramasse la mise. Le président Obama était beaucoup trop fin, beaucoup trop intelligent, dans cette situation. Quand il se moquait des relations internationales du candidat républicain qui ne connaissait que Miss Sweden, Miss Argentina, Miss Azerbaijan, il ne faisait rire que ses semblables… et nous !

Dominique de Villepin
Dominique de Villepin

Au chapitre de la réflexion, dans cette interview, Dominique de Villepin « plaide pour la constitution d’un axe entre la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine pour mettre de l’huile dans les rouages internationaux et repenser profondément, par exemple, l’architecture de sécurité du Moyen-Orient. Les États-Unis ne peuvent pas le faire seuls. Ils ont compris qu’ils devaient se retire de théâtres d’opérations où les Occidentaux ont provoqué des catastrophes (Afghanistan, Irak). Obama a manqué de volonté et d’énergie pour doter la planète de nouveaux leviers de gouvernance politique. »

Dominique de Villepin craint que l’attitude des États-Unis conduise à « une militarisation des esprits et à l’extension d’une culture de guerre. » avec un accroissement du risque de guerre si Donald Trump n’obtenait pas les résultats escomptés à l’intérieur. Ne serait-il pas tenté par la fuite en avant militaire ?

Le titre de l’article de Marianne « Tous les empires déclinants ont leurs empereurs fous » donne une idée de l’inquiétude que ressent et exprime l’ancien Premier ministre. Même si le discours de Donald Trump est un discours de campagne, il sera l’otage de ceux qui ont entendu ses promesses. L’Amérique blanche, qui craint le déclassement, le basculement démographique, veut que les États-Unis restent un Etat-nation fort.

Dans une certaine mesure notre démocratie traverse une crise analogue. Le besoin d’autorité exprimé a un nom : le bonapartisme. Pour remédier à cet affaiblissement de la démocratie, Dominique de Villepin a la conviction qu’il faut « refaire de la politique. Il fait le constat que « les États autoritaires (La Russie, la Chine, la Pologne, la Hongrie, la Turquie) en font. Faire de la politique, c’est d’abord affirmer l’indépendance, nous émanciper de la tutelle américaine, recouvrer une position de médiateur indispensable dans une période où il ne faudrait pas grand-chose pour que le pire puisse se produire. »

 


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