Des Jeux Olympiques de 1900 et de ceux de 2024


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C’est en 1959, que, pour la première fois, mon regard s’est posé sur une borne blanche qui rappelle, assez discrètement, que sur la piste en herbes qui entourent les 48 courts de tennis du Racing Club de France, à la Croix Catelan, s’étaient déroulées les épreuves d’athlétisme des Jeux de la IIe olympiade du 14 mai au 28 octobre 1900, dans le cadre de l’Exposition universelle.

À ma grande honte, j’ignorais que Paris avait été, en 1900, le pays organisateur des JO. J’espère que cette borne existe toujours. Je ne peux pas le vérifier ; je ne suis plus membre du RCF depuis le début des années 2000.

A la Croix Catelan, au Racing Club de France, en 1900

Ce ne fut pas ma seule surprise, cette année-là, dans ce lieu chargé d’histoire, niché dans un coin du Bois de Boulogne. Apercevant, un dimanche matin, un attroupement autour d’un court de tennis, je m’approchais. Les joueurs n’étaient pas des inconnus. René Lacoste, « le Crocodile », Jean Borotra, « le Basque bondissant », Henri Cochet, le troisième des « Quatre Mousquetaires » et Jacques Chaban-Delmas, le président de l’Assemblée nationale, bon joueur de rugby, de golf et de tennis, jouaient en double. Je compris, dans les propos de mes voisins, qu’il n’était pas rare, le dimanche matin, de les voir jouer sur ce court qui n’était d’ailleurs pas le court numéro 1. Assister à leur partie était un réel privilège dont j’étais conscient.

Ce sont des souvenirs qui ne s’oublient pas !

C’est dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, en 1884, qu’à l’initiative du baron Pierre de Coubertin, l’idée fut émise d’organiser les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne à Paris en 1900, dans le cadre de l’Exposition universelle. Six ans, c’était trop loin. À la demande de la Grèce, les premiers Jeux se déroulèrent à Athènes en 1896. Un désaccord entre le commissaire général de l’Exposition universelle de Paris, l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques qui avait le projet d’organiser des « concours internationaux d’exercices physiques et de sports » et le Comité international olympique (CIO), faillit compromettre le projet. Un compromis fut difficilement trouvé. Les concours de l’Exposition tiendront lieu de Jeux de la deuxième olympiade. Un mauvais compromis crée souvent une bonne zizanie. Le comité d’organisation de l’Exposition ne mentionna jamais les « Jeux olympiques » dans les documents officiels et sur les affiches et autres supports publicitaires. Une affiche qui annonce les concours d’escrime, tint lieu d’affiche officielle des Jeux de 1900. Ces Jeux eurent de ce fait un retentissement limité. De nombreux athlètes ignoraient qu’ils avaient disputé des Jeux olympiques.

Selon le Comité international olympique, 997 athlètes représentants de 24 nations, ont participé aux Jeux olympiques de 1900. Les femmes (22) ont participé pour la première fois aux Jeux olympiques. Pierre de Coubertin n’y était pas favorable, contrairement à Émile Zola qui se disait « très partisan de tous les exercices physiques qui peuvent contribuer au développement de la femme, à la condition bien entendu qu’elle n’en abuse pas ».

Le Comité international olympique a officiellement répertorié 19 sports, 25 disciplines et 95 épreuves, mais des doutes subsistent sur la liste des épreuves reconnues comme olympiques.

De nombreuses épreuves ont eu lieu dans le bois de Vincennes. Le cyclisme, notamment, un des sports les plus populaires, bénéficia d’un nouveau stade vélodrome dans lequel se déroulèrent également les compétitions de gymnastique, de cricket, de football et de rugby. Les épreuves d’athlétisme eurent lieu à la Croix-Catelan dans le bois de Boulogne, sur les terrains du Racing Club de France, comme le rappelle une borne dont j’ai parlé. Les courses eurent lieu sur une piste en herbe de 500 mètres en très mauvais état. Les 10,8 secondes sur 100 mètres, en séries, des Américains Jarvis et Tewksbury n’en furent que plus remarquables. Deux tribunes furent construites de part et d’autre des couloirs tracés à la chaux sur la piste. Les concours hippiques se déroulèrent à Paris, sur la place de Breteuil, les concours d’escrime au Champ-de-Mars et dans le jardin des Tuileries, la longue paume au jardin du Luxembourg et les concours militaires sur la place du Carrousel. Les sports nautiques tout le long de la Seine, les compétitions de tennis dans l’île de Puteaux, les concours de tir au camp de Satory, à Versailles et les tournois de golf à Compiègne. Il n’y en avait alors aucun plus proche de Paris.

Le départ et l’arrivée du marathon, historiquement spectaculaire et légendaire, eurent pour cadre la Croix-Catelan et le parcours, les fortifications de Paris sur une longueur de 40,260 kilomètres. On enregistrait, cette après-midi-là, une température de 39 degrés. Sept des treize concurrents seulement terminèrent la course qui donna lieu à des contestations. Les régates sur la Marne connurent un grand succès populaire et les compétitions, les samedi 25 et dimanche 26 août, sur la Seine et à Asnières-Courbevoie.

Les épreuves cyclistes, appelées « courses vélocipédiques », eurent également beaucoup de succès. Maurice Garin, futur vainqueur du premier Tour de France en 1903, y participa, de même que le Français Louis Trousselier, le futur vainqueur du Tour de France 1905

Aucun classement officiel des compétitions de football qui ne concernaient qu’un nombre d’équipes très limité ne figure dans le rapport de l’Exposition. Le CIO considérera plus tard que l’équipe britannique était championne olympique 1900 devant la France représentée par un Club français et la sélection belge.

La gymnastique était, en 1900, considérée comme une discipline reine avec 135 participants dont 108 Français. Les compétitions se disputèrent sur 16 épreuves : la barre horizontale, les barres parallèles, les anneaux, le cheval d’arçons et l’exercice au sol, le saut de cheval, le saut en hauteur, le saut en longueur, le saut à la perche, la montée à la corde et le lever de pierre. Le Français Gustave Sandras fut déclaré champion olympique de gymnastique dans le concours général individuel.

Les épreuves de natation se déroulèrent sur la Seine entre Courbevoie et Asnières. 183 nageurs venus de 14 pays dont 66 étrangers, y participent.

Les épreuves de polo se disputèrent sur le terrain du Bagatelle Polo Club de Paris entre le 28 mai et le 11 juin. Cinq équipes participèrent au grand prix international de l’Exposition reconnu comme le tournoi olympique.

Les compétitions de « lawn-tennis », se déroulèrent sur les courts de la société de sports de l’île de Puteaux, ceux du Cercle du Bois de Boulogne prévus initialement étant jugés inadaptés.

Dans le camp militaire de Satory, les épreuves de tir réunirent un nombre de participants important (6 351, dont 869 militaires français et 251 tireurs étrangers) dans 38 épreuves. Il faut dire qu’à la cible populaire, l’épreuve était gratuite et ouverte à tous. Au tir au pistolet, les Français : Maurice Larrouy, Léon Moreaux et Eugène Balme, se distinguèrent. Ils obtinrent les trois premières places.

Les participants aux épreuves de tir à l’arc, après une parade officielle dans Paris le 27 mai, s’affrontèrent dans l’ancien vélodrome de Vincennes. Les compétitions réunirent 5 254 tireurs dont 200 étrangers

L’épreuve de tir à la corde se déroula à la Croix-Catelan. Deux équipes seulement y participèrent : la France, représentée par le Racing Club de France, et les États-Unis. Les Américains déclarèrent forfaits car trois membres de leur équipe participaient au même moment au lancer du marteau. Ils furent remplacés par des Suédois et Danois qui formèrent une équipe commune. Hors compétition, les Américains affrontèrent les Scandinaves. Il fallut que des officiels interviennent pour éviter une bagarre entre les deux équipes !

Les épreuves de voile, se déroulèrent sur la Seine, à Meulan et au Havre, le 1er août, sur une mer agitée. Les courses automobiles eurent pour cadre le lac Daumesnil dans le bois de Vincennes et un certain nombre de rues de Paris.

La course de vitesse Paris-Toulouse-Paris se déroula en trois étapes sur un parcours de 1 448 kilomètres. Dix-huit des 55 véhicules au départ franchirent la ligne d’arrivée. Alfred Velghe fut déclaré vainqueur dans la catégorie des voitures avec une moyenne supérieure à 65 km/h. Ce nom me dit quelque chose ; c’est le nom de ma rue à Tourgéville. Il conduisait une voiture Mors.

La piste en herbe de la Croix Catelan

Les concours de ballons, un événement important de l’Exposition, eurent lieu dans le parc d’aérostation qui se trouvait à Vincennes, entre le 17 juin et le 9 octobre. 46 pilotes français effectuèrent 156 vols avec 48 ballons différents.

Il y eut aussi des concours de pêche à la ligne dans l’île aux Cygnes à Paris, des épreuves de sauvetage, des concours de manœuvres de pompes à incendie, des épreuves de tir au canon à 60 mètres, au polygone d’artillerie de Vincennes.

Les médailles olympiques n’existaient pas en 1900. Elles n’apparurent pour la première fois qu’aux Jeux olympiques de 1904. Dommage, car la France, pays organisateur, aurait obtenu 101 médailles dont 26 en or, devant les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Il n’y eut pas de cérémonie d’ouverture et de clôture. Alexandre Millerand y fit seulement allusion dans son discours de clôture de l’Exposition. Le sujet était encore trop sensible.

Le site wikipedia.org, source précieuse de ces informations, rapporte que « dans ses mémoires publiées en 1931, Pierre de Coubertin est très critique envers l’organisation des concours sportifs en 1900 ». Il n’est pas le seul. « En se basant notamment sur ces mémoires, les historiens du sport, français en particulier, portent généralement un jugement négatif sur les organisateurs qui ont laissé une place modeste aux Jeux olympiques au sein de l’Exposition universelle. Dans son Histoire du Sport français de 1870 à nos jours, publiée en 1983, Jean-Toussaint Fieschi écrit par exemple : « Cela aurait pu être une importante manifestation, l’occasion d’affirmer en France le fait sportif ; ce ne fut qu’une triste foire, un fatras d’épreuves plus ou moins officielles, amateurs et professionnelles, éparpillées aux quatre coins de la capitale, englouties au milieu d’une épidémie de concours, parades et revues. Que les Jeux aient pu survivre à un tel fiasco paraît aujourd’hui à peine croyable. » « La situation est similaire dans le monde anglo-saxon où les Jeux de 1900 et 1904, tous deux organisés dans le cadre d’une Exposition universelle, sont parfois qualifiés de « Farcical Games » (Jeux grotesques » ou semblables à une farce) ».

En 2024, n’en déplaise aux Cassandre et grincheux de toutes espèces, qui reprochent aux dirigeants politiques de s’être lancés, une nouvelle fois, dans une folle aventure, Paris accueillera, du 26 juillet au 11 août, les Jeux de la XXXIIIe olympiade de l’ère moderne pour la troisième fois, cent ans après ceux de 1924.

Ce ne fut pas sans mal après la déception de 2005, lorsque Londres l’avait emporté. Le risque financier, la dénaturation des Jeux olympiques modernes, les soupçons de dopage et de corruption, alimentaient les mises en garde des frileux, pessimistes de nature et critiques systématiques.

Déterminée, les auteurs du projet ont su, cette fois, tirer les leçons des échecs passés. Les dirigeants du sport français, le président de la République, la maire de Paris et la présidente de la région Île-de-France, la main dans la main, ont efficacement su plaider en faveur de la candidature de Paris. Une candidature économiquement raisonnable, qui reposait en grande partie (95 %) sur des équipements existants. En principe, sur le papier, le coût prévisionnel, de moins de 7 milliards d’euros, sera financé par le CIO, les sponsors et investisseurs privés, l’État, les collectivités locales et la billetterie.

Le Comité d’Organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJO) est présidé par l’excellent Tony Estanguet, triple champion olympique et membre du CIO.

Au terme d’un long et complexe processus de désignation, les membres du CIO ont voté à l’unanimité et à main levée, le 13 septembre 2017, l’attribution des Jeux d’été 2024 à Paris et de ceux de 2028 à Los Angeles.

Comme en 1900, il est permis d’espérer que les emplois induits, le tourisme, le commerce, les investissements dans les infrastructures de transport, le développement du Grand Paris et la création de quartiers nouveaux dans le nord et l’est de la capitale, stimuleront l’économie française et feront des Jeux de 2024, une bonne affaire. En espérant que d’ici là, la pandémie de Covid19 ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

Le 7 décembre 2020, la liste définitive des sports des Jeux de Paris 2024 a été arrêtée par la commission exécutive du CIO. Aux 28 disciplines déjà prévues, quatre sports nouveaux ont été ajoutés : le surf, le skateboard, l’escalade et la breakdance et la parité hommes femmes, rappelée.

La liste des sites olympiques, définitive depuis le 14 décembre 2020, révèle que des sites comme le Champ de Mars, le Grand Palais, le Pont d’Iéna, l’Esplanade des Invalides, la Marne, la Place de la Concorde, accueilleront des épreuves. Clin d’œil à l’Exposition universelle et aux Jeux de 1900. Des travaux et investissements importants stades, village olympique et centre nautique à Saint-Denis, Grand Paris Express pour que « 85 % des athlètes puissent être à moins de 30 minutes de leur site de compétition », prolongement de ligne de métro, la ligne 14, notamment, sont en cours, faisant de Paris et l’Île de France, un vaste chantier depuis plusieurs années avec les nuisances que cela implique.

Le plus grand chantier, après le village des athlètes, est le village des médias. Situé sur les communes de Dugny, Le Bourget et La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, il pourra héberger 2 800 journalistes du monde entier à proximité du centre des médias (Parc des expositions du Bourget) et des sites de compétitions de tir (La Courneuve) et de volley-ball (Le Bourget). Quelque 1 300 logements bas carbone seront construits à Dugny, soit 90 000 mètres carrés de bâtiments. Après les Jeux olympiques et paralympiques, les logements seront convertis en un nouveau quartier de 4 000 habitants, dans l’esprit des célèbres « cités-jardins du XXIe siècle ».

Le centre aquatique olympique sera à proximité du stade de France, auquel il sera relié par une passerelle piétonne au-dessus de l’autoroute A1. Il comprendra cinq bassins et pourra accueillir 15 000 personnes.

Inauguré pour la Coupe du monde 1998, le Stade de France accueillera sans doute, mais ce n’est pas encore décidé, les cérémonies d’ouverture et de clôture et les épreuves d’athlétisme. Il est d’ores et déjà en cours de modernisation des loges, des salles de presse, des grands écrans et de l’éclairage.

Des compétitions sportives se disputeront hors de Paris. Le surf, par exemple, sera probablement à Tahiti. Les épreuves de VTT à Chamonix.

Concevoir le projet est une chose, le réaliser, en est une autre. Les difficultés rencontrées, sont souvent de taille. Le 29 mai 2019, la ministre des transports, Élisabeth Borne, a annoncé « le report » de la mise en service de la future liaison ferroviaire CDG Express entre Paris et l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle « à fin 2025 afin de limiter l’impact des travaux » pour les usagers du RER B. La liaison directe en vingt minutes entre la gare de l’Est, dans le centre de Paris, et le terminal 2 de l’aéroport de Roissy, ne sera donc pas opérationnelle pour les Jeux olympiques de Paris 2024, comme cela avait été initialement annoncé et comme la France s’y était engagée dans le dossier de candidature auprès du Comité international olympique. C’est une décision raisonnable. Les Franciliens n’en peuvent plus. La Région, et Paris en particulier, est un vaste et insupportable chantier.

En 2024, la France sera en fête. Paris sera à nouveau la lumière du monde. La France n’est plus la grande puissance qu’elle était en 1900, mais, pendant la durée des Jeux, toute la planète regardera la France, ce pays de cocagne, et Paris, en particulier.

La « Belle Époque », en 2024 !


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