La démocratie est en danger.


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Yascha Mounk, professeur à Harvard, dans son dernier ouvrage «  Le Peuple contre la démocratie » (L’Observatoire, 528 pages, 23,50 euros), lance un cri d’alarme : « La démocratie libérale est en danger ». Au fil des pages, ce chercheur démontre que « Le libéralisme et la démocratie sont désormais entrés en conflit ». La « démocratie illibérale » appliquée par des dirigeants élus démocratiquement mais qui balayent sans scrupule les droits des minorités semble aujourd’hui séduire les peuples et particulièrement les jeunes qui n’ont pas de mémoire.

En ces temps troublés, c’est un livre que je recommande. Ceux – et celles – qui s’interrogent sur les causes et les conséquences probables de la vague populiste qui traverse le monde, trouveront dans cet ouvrage des faits, des explications, des analyses et même des anecdotes sur ce phénomène qui, à l’évidence, n’a pas été anticipé et pris suffisamment au sérieux par ceux qui avaient la charge de protéger le concept de démocratie.

La campagne qui a abouti au Brexit, la victoire inattendue de Donald Trump aux Etats-Unis, l’attitude et le discours de Viktor Orban en Hongrie, le comportement et les menaces de Salvini en Italie, après les changement de majorité en Pologne et en Autriche, devraient suffire à convaincre les incorrigibles optimistes que ces événements ont une cause et même sans doute plusieurs causes qui se conjuguent pour produire des effets. Une croissance insuffisante, des inégalités qui s’accroissent, le chômage, les migrations et, pour amplifier cet état de fait, l’importance prise par les réseaux sociaux. Des réseaux sociaux qui, en bouleversant la circulation de l’information a donné à chacun le pouvoir d’exprimer une opinion qui est reçu dans le monde entier comme ayant la même valeur que celle exprimée par ceux qui ont, démocratiquement, la charge de diriger les affaires de leur pays et du monde. Le pouvoir démocratique ne peut que s’en trouver affaibli. Le lien entre l’immigration et le populisme est avéré et constant.

Yascha Mounk, allemand, né de parents polonais, prend, dans son ouvrage, l’exemple de la Commission européenne, composée de hauts fonctionnaires non élus qui avec les textes, directives, qu’ils inventent, rédigent et imposent aux Européens provoquent la colère des peuples et alimentent le populisme en permanence. 

Ce chercheur fait de cet état de fait le meilleur exemple du « libéralisme antidémocratique » qui menace la démocratie libérale.

Nous devons nous faire à l’idée que la démocratie n’est pas l’unique forme de gouvernement possible. Les théocraties, notamment islamiques, le capitalisme façon communiste et autoritaire en Chine peuvent constituer des modèles pour les nouveaux dirigeants comme ceux qui forment le « groupe de Visegrad » : la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie. Recep Tayyip Erdogan en Turquie et Vladimir Poutine en Russie sont aussi des modèles de régimes qui ressemblent à des démocraties, mais qui n’en ont que l’apparence.

La démocratie, la vraie, peut donner parfois une impression de désordre avec ses manifestations, ses grèves, ses débats interminables, ses lenteurs, ses libertés d’expression, de pensée, mais il suffit de vivre un certain temps dans un pays autoritaire pour apprécier, au retour, les vertus de la démocratie

Yascha Mounk n’est pas pour autant pessimiste. Il est convaincu que par l’éducation, les idées progressistes triompheront des populismes. Je voudrais être aussi optimiste que lui. Nous n’avons pas le même âge ! Si le souvenir du nazisme et du fascisme n’habite plus les jeunes Européens, il est constamment présent dans mes réflexions.

La réponse aux discours populistes est difficile. Les mesures qui pourraient être efficaces pour combattre les idées démagogiques et simplistes des extrémistes seront longues à mettre en œuvre. Celles que propose l’auteur, notamment.

Un nouvel État-providence « qui puisse protéger ceux qui participent au marché du travail aussi bien que ceux qui n’y participent pas », « de nouveaux investissements », c’est très bien, mais n’est-ce pas déjà trop tard et insuffisant pour renverser l’opinion publique européenne.

La question est simple. Les défenseurs de la démocratie libérale seront-ils capables de faire contrepoids aux poussées populistes ou faudra-t-il que les peuples fassent l’expérience de la démocratie sans liberté, pour recouvrer la raison. Le pire n’est pas certain, mais c’est possible car nous sommes entrés dans une période extraordinaire où l’impensable, hier, se produit sous nos yeux.

À chaque fois que, sous les effets d’une crise économique, une démocratie chancelle, un homme fort, avec ce qu’il appelle du bon sens et des idées simples, c’est-à-dire la suppression progressive de toute forme d’opposition, se fait élire avec des promesses de représentant de commerce. On a longtemps pensé qu’au-delà d’un certain niveau d’éducation et de richesse, un peuple qui a connu la démocratie, la paix, la prospérité, n’acceptait plus de revenir en arrière. C’est sans doute une erreur. Quand la confiance dans le régime de démocratie libérale tombe trop bas, le pire peut arriver. La France, l’Espagne, après l’Italie, la Suède, les Pays-Bas, pourraient un jour se trouver dans cette situation. Que sur l’immigration, tout est de la faute des étrangers, sur l’identité nationale, les pratiques religieuses et sur les questions de sécurité, un peuple se sent menacé ou trahi par ses dirigeants et les conditions sont réunies pour confier le pouvoir à quelqu’un qui affirme être « la voix du peuple » et, en son nom, conduise ce peuple vers l’abîme.

Ces questions sont complexes. À tel point que certains économistes se demandent si tenir compte de la démocratie, de la mondialisation et de l’Etat-nation, en même temps, n’est pas impossible.

Le Peuple contre la démocratie, de Yascha Mounk, Ed. de l’Observatoire, 528 pages, 23,50 euros.


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