La coopération européenne l’a-t-elle vraiment emporté vendredi ?


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Une nouvelle fois, neuf heures de négociations, sous la pression de l’extrême droite, ont été nécessaires pour parvenir à un compromis qui permet aux chefs d’État et de gouvernement des vingt-huit pays de l’Union européenne de sauver la face, mais qui repousse encore à plus tard les décisions qui ne recueillent pas la majorité. Ils se sont mis d’accord sur la création de centres d’accueil sur le sol européen, sur la base du volontariat et s’engagent à étudier l’instauration de dispositifs d’accueil situés en dehors de l’UE.

Le Conseil européen du 28 juin 2018

Est-il concevable d’imaginer des « plates-formes de désembarquement » des migrants hors de l’UE ? Ce concept est proposé par le Haut-Commissariat pour les réfugiés de l’ONU. Ou pourraient se situer ces centres ? En Afrique du Nord ? La réaction des pays concernés a été immédiate : C’est non ! Nous avions, avec l’Union pour la Méditerranée, l’outil qui aurait permis d’organiser les solutions à apporter aux flux de migrants, mais l’Allemagne, qui regardait à l’Est, a tout fait pour torpiller l’idée en 2008.

La décision a également été prise de renforcer les frontières extérieures de l’Europe, pour éviter que des flux de migrants comparables à ceux que l’Europe avait enregistrés en 2015, se reproduisent. Les aides à la Turquie et aux pays de l’Afrique du Nord seront augmentées.

Compte tenu des oppositions exprimées, c’est sur la base du volontariat que des centres dits « contrôlés », en Europe, seront ouverts pour accueillir les migrants, en provenance de Libye, auxquels les Européens ont le devoir de porter secours. Dans ces centres, le « tri » sera fait « rapidement » entre migrants irréguliers à expulser et demandeurs d’asile légitimes, qui seront répartis dans l’UE, « sur une base volontaire ». Cette décision sera jugée aux résultats.

Le texte de compromis passé entre les États membres évoque « les mesures internes à prendre » pour éviter les déplacements de migrants entre pays de l’UE qui fragilise tant Angela Merkel. Enfin, les Vingt-Huit vont mettre à l’étude une réforme de la convention de Dublin en termes vagues : « Un consensus doit être trouvé au sujet du règlement de Dublin sur la base d’un équilibre entre responsabilité et solidarité, prenant en compte les personnes débarquées à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage».

Le ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini, a immédiatement déclaré attendre « de voir des engagements concrets ». Il n’est pas le seul ! Angela Merkel a jugé que le texte était positif sans chercher à cacher que des divergences persistaient au sein de l’Union. Pour le président Emmanuel Macron : « La coopération européenne l’a emporté […]. La solidarité que nous devons aux premiers pays d’entrée a été actée lors de ce sommet. ». « En même temps », il déclare que la France n’ouvrira aucun centre. Attention, on ne sort de l’ambiguïté, qu’à ses dépens !

Angela Merkel et Emmanuel Macron à Bruxelles le 27 juin 2018

« L’Europe, c’est fini, on a raté le coche, c’est trop tard » avait dit Michel Rocard, lors des « Journées de Bruxelles », organisées par « l’Obs » les 18 et 19 novembre 2015. Sur l’afflux de réfugiés et de migrants, comme sur les autres sujets, Michel Rocard faisait le constat que l’Europe avait baissé les bras. Les institutions, dont l’Europe s’est dotée, « tuent le leadership ». Avec l’élargissement, la disparition progressive « d’une certaine idée de l’Europe » conduit lentement à la catastrophe. Les opinions publiques ont peur et par conséquent éprouvent, chaque jour un peu plus, un besoin de repli identitaire inquiétant, alors que la réponse aux menaces n’est pas dans la « désolidarisation » et dans le repli. Le « Brexit », aurait dû être l’occasion de remettre à plat des traités illisibles que les opinions publiques ne connaissent pas et ne reconnaissent pas. Michel Rocard avait malheureusement raison.

Que d’erreurs, que d’occasions perdues ! L’Histoire fera le tri des responsabilités. Elle sera sans doute sévère.

Pour comprendre l’évolution de l’Union européenne, ces dernières années, il faut se remettre en mémoire ces erreurs et occasions perdues. C’est ce que je vais tenter de faire le plus brièvement et le plus clairement possible dans les prochains articles.


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