« Comment résister à l’air du temps » ?


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Sous ce titre, Jean Daniel raconte ses relations avec Albert Camus et revisite l’œuvre, chaque jour un peu plus grande, d’un écrivain qui, par éthique, résistait à l’air du temps. Par les temps qui courent, la lecture de ce très bon livre a quelque chose d’hygiénique. Pour introduire la première partie, Jean Daniel a trouvé chez Romain Gary un passage de « l’Affaire homme » qui donne le ton ; je ne résiste pas au plaisir de le mettre en ligne.
« Je suis a priori contre tous ceux qui croient avoir absolument raison (…)Je suis contre tous les systèmes politiques qui croient détenir le monopole de la vérité. Je suis contre tous les monopoles idéologiques (…)Je vomis toutes les vérités absolues et leurs applications totales. Prenez une vérité, levez-là prudemment à hauteur d’homme, voyez qui elle frappe, qui elle tue, qu’est-ce qu’elle épargne, qu’est-ce qu’elle rejette, sentez-la longuement, voyez si ça ne sent pas le cadavre, goûtez en gardant un bon moment sur la langue, mais soyez toujours prêts à recracher immédiatement. C’est cela la démocratie. C’est le droit de recracher.
Jean Daniel restitue de nombreux exemples de ce devoir qu’a l’intellectuel de résister à l’air du temps, de « sentir surgir dans sa poitrine, une évidence qui n’est pas celle des autres ». L’éthique de comportement de Camus, ne supportait pas l’asservissement au pouvoir de l’argent, l’obsession de plaire à n’importe quel prix, la flatterie des pires instincts. L’air du temps, aujourd’hui, consiste à s’adresser à la « France d’en bas », « aux vrais gens », « aux gens ordinaires ». L’émission de TF1 « J’ai une question à vous poser », les « débats participatifs » tendent à médiatiser et à encourager « le café du commerce ». Cette façon de parler des grands, graves et complexes problèmes est inquiétante. Les propos tenus sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne sont dans l’air du temps. Faire croire à nos concitoyens que nos partenaires européens accepteront sans difficulté nos demandes, pour ne pas dire nos exigences, relève plus du populisme que de la détermination. Il y a un grand danger à faire de telles promesses. Les lendemains pourraient provoquer un séisme lourd de conséquences, sauf à considérer que les Français ne croient pas un mot de ce qu’on leur dit, ce qui n’est pas plus rassurant.
François Bayrou s’est placé, au début de l’année, en décalage avec cette stratégie. Il est monté fortement dans les sondages. Il n’a pas pu résister longtemps à l’air du temps qui est majoritaire dans le pays.


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