33e Fête de la truffe de Sorges et Ligueux en Périgord


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Cette commune de Dordogne est le lieu de mémoire, le berceau, de ma famille maternelle.

Une nouvelle fois, cette année, la Fête de la truffe, les 29 et 30 janvier, s’est déroulée dans des conditions difficiles, en raison des mesures de restrictions sanitaires. Le marché aux truffes a bien eu lieu, comme prévu, le dimanche 30 janvier au matin, mais le concours de la meilleure omelette aux truffes et le traditionnel repas sous la halle, ont dû être annulés.

C’est l’occasion pour moi, d’évoquer des souvenirs très heureux de cette Fête, déjà racontés sur ce blog.

Le 13 décembre 2007, en particulier, j’ai raconté la présentation à la presse du « Nouveau manuel de Trufficulture ». En 1914, mon arrière-grand-père maternel, le docteur Louis Pradel, médecin à Sorges, avait publié un manuel de trufficulture qui fait toujours autorité, près de cent ans après avoir été écrit. Né en 1850, le docteur Pradel s’était très vite passionné pour la culture de la truffe qu’un certain nombre de propriétaires, dont le baron de Malet, cultivait déjà avec succès. Le docteur avait planté des chênes truffiers sur les soixante hectares dont il avait hérité à Hâche, non loin de Sorges. Ma mère avait conservé une partie des belles médailles d’or qui lui avaient été décernées, notamment par la Société d’Agriculture de la Dordogne. Scientifique de formation, il ne s’était pas contenté de cultiver la truffe, il avait recherché l’origine, la nature, l’évolution et la fructification de ce tubercule qui « devait posséder son mycélium, comme tous les champignons ». On ne peut pas dire que la truffe n’avait pas de secret pour lui, tant ce champignon est encore de nos jours entouré de mystère, mais il avait soigneusement étudié les diverses variétés, les nombreuses théories émises sur l’origine de la truffe et les divers modes de production truffière. La nature du sol étant d’une importance capitale, il avait passé en revue dans son ouvrage, toutes les conditions propices à la production : l’influence du climat, de l’altitude, de l’exposition, l’aptitude truffigène des diverses essences d’arbres et la sélection des plants. Dans son guide, il prodiguait des conseils, fruits de son expérience et de ses recherches. Il expliquait comment préparer le sol, faire des semis, choisir les glands, quand et comment ensemencer, à quelle époque planter, préparer le sol, élaguer, comment présager le début de la production, comment entretenir les truffières. La récolte faisait également l’objet de ses précieux conseils : comment chercher les truffes, quels signes caractérise la maturité, comment dresser les animaux à trouver les truffes. Bref, on dirait aujourd’hui que son manuel contenait tous les trucs et astuces qui concernent la truffe.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’agriculture avait changé, la production truffière, qui avait pourtant été si abondante, n’était plus une priorité. Les truffières dépérirent jusqu’à disparaître dans de nombreuses exploitations. Aujourd’hui, de jeunes trufficulteurs relancent la production d’un produit très demandé dans le monde entier. Le Périgord, qui s’était laissé distancer, se mobilise, redécouvre et suit les précieux conseils du docteur Pradel.
C’est ainsi qu’un « nouveau docteur Pradel », en la personne d’Henri Dessolas, trufficulteur et sylviculteur, a, avec le concours éclairé de deux chercheurs de l’I.N.R.A., Gérard Chevalier et Jean Claude Pargney, entrepris de rééditer et d’actualiser le manuel de trufficulture du docteur Pradel.

Au mois de décembre 2007, à Périgueux, en présence du ministre de l’Éducation nationale, Maire de Périgueux, M. Xavier Darcos, des chercheurs, du président de la Fédération française des trufficulteurs, ancien Maire de Sorges, M. Jean-Charles Savignac et de M. Jean-Jacques Ratier, actuel Maire de Sorges. M. Henri Dessolas avait rendu hommage au docteur Pradel et présenté le « Nouveau manuel de Trufficulture », à la presse. J’avais fait le déplacement pour participer, aux côtés de mes cousins, Jean Paul Chaminade, Maire adjoint de Sorges et son épouse Françoise, à cet hommage et féliciter Henri Dessolas pour sa très heureuse initiative et sa volonté de promouvoir la célèbre truffe du Périgord.

Je me souviens aussi de la vingt et unième édition de la Fête de la truffe, le samedi 17 janvier 2009, qui débuta par le traditionnel concours d’omelettes. Les participants et participantes, parmi lesquels ma dynamique cousine, Françoise Chaminade, étaient nombreux, appliqués et de tous les âges, dans cet exercice difficile. Il y avait des étudiants de l’École Internationale de Management, soutenus par leurs camarades, qui appliquèrent rigoureusement la recette apprise, de nombreux habitants de la commune, mais aussi une touriste de passage, Annie Pozzo di Borgo, qui emporta la compétition à la surprise générale.

Sur la photo, prise à Périgueux, de gauche à droite : Jean-Charles Savignac, Jean-Paul Mingasson ( caché par le poing du ministre) Xavier Darcos, Jean-Jacques Ratier, Jean-Paul Chaminade, Michel Desmoulin, Françoise Chaminade.

Le jury, composé de journalistes spécialisés, notamment Thierry Bourgeon, de représentants du journal Sud-Ouest, de France Bleu Périgord et de FR3, de l’experte propriétaire de l’Auberge de la Truffe, du représentant des confréries du foie gras et, bien entendu du maire de Sorges, Jean-Jacques Ratier, goûta, regoûta, compara les omelettes, entre deux verres de Bordeaux, et rendit son verdict.

Le dimanche matin, dix-huit kilos de truffes, dont une de 315 grammes, changèrent de mains. Deux hommes que j’apprécie particulièrement, le très regretté Alain Robert, le président du Comité des Fêtes de Sorges, grâce à qui ces fêtes furent un grand succès, et Jean-Yves Vignon, un trufficulteur de la Drôme, très attaché au Périgord, furent, en fin de matinée, intronisés sous les applaudissements « Chevalier du docte collège des Maîtres de la Truffe et du Foie gras du Périgord » pour services rendus à la promotion de cette région et de ses produits. Plus d’un millier de personnes participa à ces festivités, affronta des bourrasques de pluie sur des airs du folklore breton et du Périgord en déambulant de stands en stands. Enfin, ce fut le repas traditionnel animé par le groupe des « Croquants d’Escornabiau ». Trois cent quatre-vingts omelettes aux truffes furent cuisinées et servies au même moment sous les applaudissements reconnaissants de connaisseurs exigeants.

Comment pourrais-je oublier également le 13 décembre 2014. Ce jour-là, Sorges célébra le centenaire de la publication du « Manuel de trufficulture » du docteur Louis Pradel. La municipalité de Sorges avait organisé diverses manifestations auxquelles j’ai eu le plaisir d’assister. À 11 heures, dans la galerie qui porte le nom du Dr Louis Pradel, le maire de Sorges, M. Jean-Jacques Ratier, évoqua le souvenir du Dr Pradel en présence notamment de Monsieur le Préfet, Jean-Marc Bassaget, Secrétaire Général de la préfecture, de Mme Colette Langlade, députée de la Dordogne, de M. Jean-Claude Pinault, conseiller général du canton de Savignac les Églises, de Mme Isabelle Hyvoz, présidente de l’Office de Tourisme du Périgord Gourmand, de M. Didier Frérebeau Président de l’Écomusée de la Truffe, des descendants de Louis Pradel, de diverses personnalités, de trufficulteurs et de nombreux Sorgeais.

Dans son discours, M. Jean-Jacques Ratier rappela ce que Sorges et la trufficulture doivent au docteur Pradel. Il avait retracé la vie du « médecin des pauvres » et remercié M. Alain Robert, président du comité des fêtes et directeur de la galerie Louis Pradel pour la « passionnante et magnifique exposition » qu’il avait réalisée. Je pense souvent à lui et à son épouse. Cette exposition présentait l’histoire de la famille de Louis Pradel, du milieu du 19e siècle jusqu’à nos jours.

Le conseil municipal de Sorges avait décidé le 6 décembre 2014 de créer, en souvenir du rôle que le Dr Pradel a joué dans le rayonnement de la commune, un titre d’« Ambassadeur de Sorges », destiné à honorer et à remercier des hommes et des femmes pour leurs actions d’hier, d’aujourd’hui et de demain en faveur de la commune. J’ai eu la surprise de découvrir, au cours de la cérémonie – le secret avait été bien gardé – que j’étais le premier à qui ce titre a été conféré. Un très beau certificat qui porte le n° 0001 en atteste. Une bande dessinée, intitulée « A la poursuite du Diamant Noir », œuvre de Francis Pralong, pour les dessins, et Alain Bernard, pour le scénario et les dialogues, m’avait été offerte à cette occasion. Une plaque commémorative de ce centenaire avait été apposée à l’entrée de la galerie.

Le lendemain, le dimanche 14 décembre, après le marché aux truffes, le professeur Jean-Claude Pargney avait fait, devant une nombreuse assistance, une conférence sur le thème : « Le Dr Pradel et la culture raisonnée » Un siècle plus tard, que reste-t-il des leçons de Louis Pradel ? Mes amis Henri Dessolas, Jean-Claude Pargney et Jean-Yves Vignon, dédicacèrent de très nombreux exemplaires du dernier ouvrage auquel ils ont collaboré : « Truffe – Osons une culture raisonnée »

À 16 heures, sur la truffière de mon cousin, Pierre Chaminade, à Saleix, hameau de Sorges, les personnes qui avaient écouté la conférence assistèrent à une recherche de truffes. Daniel Chaume, agriculteur-éleveur de bovins et sa fidèle Nini, une truie de 280 kg, avaient été invités à faire une démonstration de la capacité de l’animal à trouver des truffes. La recherche fut couronnée de succès. La presse locale et les réseaux sociaux avaient rendu compte de ces diverses manifestations et accordé au Dr Pradel toute la place qu’il occupe dans la mémoire du Périgord.

L’année suivante, comme chaque année, le dernier dimanche de janvier, voici le récit que fit mon ami, M. Michel Duvernois, de la « 27e Fête de la Truffe, de la trufficulture et du gras » : « Les samedi 24 et dimanche 25 janvier, trufficulteurs, membres de confréries gourmandes en costumes, producteurs de gras, de fromages et de pâtisseries, maraîchers et pépiniéristes, Sorgeais, Sorgeaises, touristes, se croisaient sur la place malgré la petite pluie froide qui tombait. La salle était pleine de monde, le samedi matin, « pour les démonstrations culinaires de Pierre Corre, le célèbre chef de « l’Auberge de la truffe » qui présentait la cuisson de Saint Jacques à la royale, rosace de magret de canard à la royale, brouillade et omelette aux truffes. Son second, Laurent Gilbert présentait un bar façon Richardin (arête remplacée par des tranches de truffes) et Eric Dumand le pâtissier du même établissement a fait un caramel truffé délicieux selon l’avis de la cinquantaine de personnes présentes. L’après-midi, pour le traditionnel concours de la meilleure omelette aux truffes, 14 candidats étaient engagés sur le thème : la présentation, l’assaisonnement, l’homogénéité, la cuisson et les qualités gustatives. C’est Bernadette Reysz qui remporta l’épreuve.

Le dimanche matin, malgré des conditions climatiques difficiles au lever du jour, 20 kg de truffes ont été proposés à la vente. Elles ont rapidement changé de mains. Les prix ont atteint entre 800 et 900 € le kg. Le concours de la plus grosse truffe du Périgord a été remporté par Madame Renée Laborie de Brantôme avec une tuber mélanosporum de 652 grammes.

Enfin, en présence de nombreuses autorités, du Secrétaire général de la préfecture, du Sous-préfet, de Madame la députée, de plusieurs conseillers généraux, du Président de l’intercommunalité et de nombreux maires et élus, ainsi que de trois confréries locales, quatre nouveaux membres ont été nommés au docte collège de la truffe et du foie gras et ont prêté le rituel serment. La Sorgeoise, le traditionnel apéritif local a ensuite été offert avant le repas de midi pris dans une salle comble. Les Croquants d’Escornabiau, comme chaque année, ont assuré l’animation. Servir 360 omelettes en 45 minutes n’est pas une mince affaire. Les 25 Sorgeaises aux fourneaux ont fait preuve, une nouvelle fois, de leur talent légendaire. »

Espérons que l’année prochaine, la 34e Fête de la truffe de Sorges et Ligueux en Périgord, se tiendra dans des conditions normales, c’est-à-dire sera une Fête !

En cette période où les Français s’interrogent sur leur identité, sur l’avenir de notre nation, il suffit de revisiter Renan pour reprendre espoir :

« Les nations sont le souvenir des actions passées, les joies du présent et l’espérance de vivre ensemble dans l’avenir. »


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